Si un
moteur de recherche n'a sélectionné que cette page coupée
du reste du service, cliquez sur le bouton |
|
Cliquer sur la lettre de votre choix permet
d'afficher tous les mots du lexique commençant par cette lettre.
Les mots sont classés dans l'ordre alphabétique horizontalement
comme indiqué ci-dessous ... |
AA... |
AB... |
|
Cliquer alors sur un mot permet d'accéder à
l'analyse détaillée qui en est faite. |
|
Le présent lexique basque comporte déjà
près de 3.000 "entrées". Un même mot
pouvant s'orthographier de différentes manières ou
se présenter sous des formes voisines, ce sont plus de 2.000
mots différents qui sont d'ores et déjà analysés.
D'autre suivront qui seront progressivement intégrés
au lexique. |
|
INTRODUCTION
AU LEXIQUE
Ce lexique se veut une ébauche et les articles proposés
appellent certainement des corrections, des modifications, voire des refontes.
Nous avons essayé d'appliquer à l'analyse des formes
basques les méthodes de comparaison des deux grands dictionnaires
que sont le « Dictionnaire Etymologique de la langue latine, Histoire
des mots » de A. ERNOUT et A. MEILLET,
d'une part, et le « Dictionnaire Etymologique de la Langue Grecque,
Histoires des mots » de Pierre CHANTRAINE, d'autre
part, et de puiser de nombreuses suggestions pour interpréter l'écheveau
des formes, ou du moins essayer de le faire, en tenant compte des correspondances
phonétiques, structurales et sémantiques à première
vue aléatoires.
Au fur et à mesure de la progression, des correspondances
présumées sont à reconsidérer et d'autres, jusque
là inaperçues, peuvent, en l'occurrence, être proposées.
Grammaire et Lexique s'interpellent constamment, or des formes syntaxiques
révolues, insoupçonnées en synchronie
d'aujourd'hui, sont suggérées par la reconstruction lexicale,
et nous manquons de références d'antécédents
qui auraient fouillé ces hypothèses étymologiques.
A. ERNOUT et A. MEILLET pour leur
« Dictionnaire Etymologique de la langue latine, Histoire des
mots », dont nous ne prétendons nullement être l'émule,
avaient pour repère le Lateinisches etymologisches Wörterbuch
de A. WALDE, et l'Altitalisches Wörterbuch
de Fr. MULLER, parmi bien d'autres œuvres de prédécesseurs.
De son côté, Pierre CHANTRAINE pour
son « Dictionnaire Etymologique de la Langue Grecque , Histoires
des mots » , a disposé du Griechisches etymologiches
Wörterburch de Hjalmar FRISK, et il précise
« il saute aux yeux que j'ai voulu prendre comme modèle le
Dictionnaire Etymologique de la Langue Latine de A. ERNOUT
et A. MEILLET ».
En ce qui concerne l'euskera nous ne disposons de rien de comparable : Material
para un diccionario etimológico vasco de AGUD
et TOVAR, métamorphosé en “Diccionario
etimológico vasco” ne nous semble guère ouvrir
de voie à la recherche. Par ailleurs, le point de vue
actuellement le plus répandu nous invite à penser qu'autour
d'un noyau « basque » de langue (lequel ?), l'emprunt
tous azimuts : termes du lexique, suffixes de dérivation et
même des flexions verbales… expliquerait l'essentiel de notre
patrimoine linguistique constitué de « bric et de broc ». |
|
Cet état de
choses relève pour une part, pensons-nous, d'un présupposé
socio-
linguistique et historique prégnant dans les esprits
: l'euskera, langue marginale,
dominée dès la préhistoire
par des parlers ibériques attestant une culture
supérieure, le celtique, considéré
comme une avant-garde de la propagation des
langues indo-européennes vers l'occident, à l'aura
de civilisation plus pretigieuse, le
latin universellement supérieur, et pourquoi pas
l'arabe, dont les emprunts par le
français sont infiniment plus nombreux que ceux repérables
dans l'euskera…
Les présomptions sont si bien enracinées
que tout écart par rapport au dogme déconsidère
de façon rédhibitoire l'hérétique
égaré.
Sancho qui du haut de
son bourricot croit identifier les moulins à vent
sur la colline et non des extraterrestres. |
P |
ar ailleurs, que faut-il retenir
de ce qu'écrit A. MEILLET dans
l'Avertissement de son dictionnaire lorsqu'il affirme
que : « tous les
mots ne sont pas au même
niveau ; il y a des mots “nobles” et des
mots “roturiers”. Les mots qui
désignaient les idées générales,
comme mori
et uiuere, les actes
essentiels, esse
et bibere, les
relations de famille, pater,
mater, frater,
les principaux animaux
domestiques, equus,
ouis, sus,
l'habitation de la famille qui était
l'unité principale, domus
et fores, etc.,
représentent le vocabulaire
de l'aristocratie indo-européenne
qui s'est étendue à tout le
domaine ; ces mots désignent
des notions, ils n'ont pas de
valeur affective, et ils ont un minimum
de valeur concrète ;
[…] La valeur
abstraite des mots, liée au caractère
aristocratique de la langue
(nous soulignons)
est un trait naturel
du vocabulaire indo-européen.
Mais il y avait aussi des mots
de caractère populaire […] souvent [à]
valeur affective [et] technique. Le vocabulaire “populaire”
est aussi instable que le vocabulaire aristocratique est
permanent ». |
|
|
|
On a peine à croire qu'un échafaudage théorique
autour de la diffusion des langues indo-européennes ait pu exercer
une telle prégnance sur les esprits : être,
boire, bœuf, cochon ou cheval
c'est aristocratique et notionnel, mais charrette, joug
et vigne sont “populaires” et “instables
”...
Nous avons plus souvent rapporté les racines et leurs structures
telles qu'elles ont été posées par A. MEILLET
et P. CHANTRAINE à la suite des travaux de Ferdinand
de SAUSSURE (Mémoire sur le système primitif des
voyelles dans les langues i.-e., 1879), A. MEILLET (Introduction
à l'étude comparative des langues i.-e., 1903), H.
HIRT (Indo-germanische Grammatik, 1921-1937), J. KURYLOWICZ
(Symbole Rozwadowski, 1927), E. BENVÉNISTE (Origine
de la formations des mots en i.-e., 1935) qui a posé le principe
de racines indo-européennes trilitères. Et c'est tout particulièrement
cette méthode qui a été appliquée aux termes
basques préalablement dépouillés, ou supposés
tels, de préfixes, infixes, suffixes dérivationnels ou flexionnels,
afin de les comparer aux racines de grands maîtres.
Il nous a semblé que certaines de ces racines pouvaient
être décomposées davantage à la lumière
du correspondant basque, paraissant être un composé : lat.
uox “voix” et bsq. ABOTS
“voix”. Cet aspect se prêterait, peut-être, à
une étude complémentaire.
La diversité des formes issues d'une même racine est
parfois grande dans les langues i.-e., par exemple en grec, et dans l'euskera
elle peut s'avérer déroutante :
Un morphème comme -HAN- “asséner
un coup ”, peut être l'onomatopée de la saccade d'expiration
de celui qui frappe (cf. le butteur de tennis, le coup de cognée
du bûcheron ou de masse du planteur de piquets) dont la nature de
la voyelle est imprécise, prend toutes les colorations vocaliques
suivant les formes dérivées, et la probable laryngale
initiale s'élide et/ou se réalise sous diverses consonnes,
tendant à suggérer l'unicité de voyelle originelle
et la réalité des laryngales polymorphes :
|
|
JO-, HO-,
XO-, ZAN-, ZUN-,
THEN-, TUN-, HI-L,
KI-L…
Bsq. JO “frapper, battre, butter, saillir”.
E-HUN “tisser ”, E-HO-LE
“tisserand” OIHAL “toile ”,
lat. uelum, etc. E-HAIN,
E-HAI-TE “moudre, tisser, battre au fléau”.
E-HO “tuer, rouer de coups”, lat. fūnus
(de foinos ?) “funérailles”,
gr. θείνω
(thein-ō) “frapper, tuer”
/*ghwen-/, Chtr. 425,
gr. φόνιος
(phonios) “meurtrier”
HAN-TU “rosser”,
skr. hánti, hitt. kuen-zi
“il frappe, abat”.
HI-L “tuer, mourir” à suffixe
d'agent (/-LE/ i.-e. /lo/)
nom déverbatif
devenu base de verbe dénominatif, angl.-sax. kill
“tuer” ZANKA-TU “frapper,
copuler”, lat. Sēmō Sancus
“divinité de la reproduction”, dieu d'un ordre
inférieur dans l'ancienne Italie. HE-BAIN
“tisser, battre, abattre, etc”, v.h.a. weban,
web-, toile, skr. ūrn̥a-vā́bhi
“la tisseuse de fil” = “araignée ”.
I-XO “moudre”, ZUNKATU
“donner des coups de mufle”, dit du veau qui tète.
TUN-KATU, TAN-KATU, TAL-KATU
“heurter, battre” et gr. τυγχανω
(tunkhanō), Τυχιος
(tukhios) nom du forgeron du bouclier d'Ajax (Hom.), τέκτων
(tektōn), skr. taksan “charpentier”
de /*teks-/ (BENVÉNISTE,
LEJEUNE), v. sl. testa,
v.h.a. deshala “hache”
; gr. τέμνω
(temnō) “trancher” ? de /*tmə1
/ (FORSSMAN), gr. τύπτω
(tuptō) “frapper”, τέχνη
(tekhnē) “savoir-faire” de /*teks-/,
gr. τυχη
(tukhē) “destin”, de i.-e. /*dheugh-/dhuegh-/,
Chtr. 1143, lit. tinti “marteler”,
v. rus. tǐnu “frapper”,
Chtr. 1104, etc. Bsq. TUNTUN “tambourin”. |
|
En dépit de l’impression de désordre et d’arbitraire des hypothèses
des correspondances, des tendances générales peuvent être signalées :
• |
pour dégager la racine il faut
dépouiller la forme étudiée des affixes
qui peuvent l'entourer et qui sont en nombre limité : /AS/ZA/ZI/O(B)/,
etc., en préfixes ; /-DI/-LE/-ZU/, etc.,
en suffixes ; /-N/ en infixe : AS-PAL-DI “il y
a longtemps”, livre la racine /PAL-/ (cf. gr. πάλ-ιν
(pal-in) “en revenant, en arrière”) ; E-ZA-GUN
“connaître”
/GUN/, got. kann, lat.
gno-sco “connaître”,
gr. γνωριζω
(gnō -rizō) “faire connaître”, etc.,... |
• |
grande fréquence de la racine en
thème I, pleine, des formes basques face aux correspondants
i.-e. où domine le thème II, à racine réduite
: bsq. GARAIN-DI (GAINDI mod.) “dépasser,
déborder, dominer, l'emporter” et gr. κραιαίνω
(kraianō) “être le maître, régner sur”,
Chtr. 576 ; bsq. I-GURTZI “oindre, frotter”
et gr. aoriste ἔχρῖσα
(ekrĩsa) “frotter, oindre”, Chtr. 1277. |
• |
phénomène d'aphérèse
fréquente partout, y compris dans les formes basques, qui oblige
à rétablir la syllabe initiale perdue pour déceler
la racine probable d'origine :
° |
bsq. LAIDO “insulte”
et gr. λοιδορέω
(loidoreō) “injurier, insulter, invectiver”
; d'après FRISK ce mot viendrait d'un
*λοῖδος
(*loidos) “jeu”, lat. lūdus,
… mais qui, pour nous, semble bâti sur LOI/LOHI
“boue, vase”, (cf. NORBAIT LOHITU
= “salir quelqu'un”) de /(H)UR/HUL/
“eau, liquide”. La première syllabe est tombée. |
° |
bsq. MAKIL “bâton,
houlette de berger”, lat. baculus
“bâton, canne”, gr. βάκτρον
(baktron) “bâton” du radical /*βάκ-/,
pour M. 64 ; plus probablement un composé *HAM-KUR
“tige recourbée” de /HAMU/
“tige” + /KUR/KUL/KIL/
“courbe, courbé”, cf. KIKILDU
“courbe, courbé”, cf. ZU(R)HAMU
“arbre”, KAL-HAMU “roseau”,
mais aussi “tige de céréale”, lat.
culmus “chaumes”
; HEMBOR “tronc”, all. Zimmerman
“charpentier”, etc. Chute également de la
première syllabe. |
|
|
• Pour ce qui est des correspondances
consonantiques, les règles dégagées par les phonéticiens
classiques se vérifient, comme pour le jeu des sonnantes.
Pour les laryngales nous nous limitons à en signaler la probabilité,
le problème dépasse notre compétence. |
|
1- POUR
RECONSTRUIRE LE LEXIQUE
Pour reconstruire le lexique il faut retrouver les voies qui ont conduit
aux significations attestées : • par
l'analyse linguistique du sens des formes en question,
• et par la détection du référent d'origine.
Bsq. BERATZ, adjectif qualifiant une mauvaise
pâture, la fragilité, en général, et celle des
troupeaux, en particulier : |
1) |
linguistiquement BERATZ
répond à lat. ferax
(du verbe ferre “porter”),
gr. φόρειν
“terre productive”, “fertile”, |
2) |
“mauvaise pâture” pourquoi ? Deux
raisons principales :
° |
Terrain humide où l'herbe conserve la
rosée trop longtemps, ce qui contribue à la création
d'un biotope favorable au développement des parasites
; |
° |
De plus, terrain “engraissé”
par les déjections animales infestées d'œufs
et de larves de parasites, d'où surmultiplication des
risques d'infestation des animaux. |
|
|
2 - LEXIQUE
ET SYNTAXE
Le "passage du lexique à la grammaire" de nombreuses
formes est bien connu. En indo-européen, une racine /*yeH1-/
“implorer” aurait fourni le suffixe d'optatif.
Bsq. OTOI “s'il vous plaît, je vous prie”
/OT/ “entendre” à l'impératif impersonnel
ou racine nue (cf. lat. audīre
“écouter”, gr. ὠτός
“oreille”) + interjection /OI/ !, soit OTOI =
“écoute oh !” ; cf. OIHU “appel, plainte”
AUHEN “lamentation, plainte de frustration, désir”
Venus “déesse de l'amour”,
venēnum “philtre” ;
OIHUKA “appeler à très haute voix”
gr. εὔχομαι
(eukhomai) “prier à haute voix”, etc., encore sommes-nous
dans le lexique, mais si l'on veut voir ce /OI/ dans les flexions
de subjonctif (NOAIEN, HOAIEN, DOHAIEN... ), dans l'optatif,
etc., on est dans la grammaticalisation. La particule prohibitive de l'indo-européen
/*meH1-/
“mesurer”, /*leH1-/
de hittite
leH1- “laisser”.
Les désinences de datif-locatif /*-ey/
et /*-ay/ pourraient être
issues des racines /*ey-/ “aller”,
et /*ay-/ “donner”,
moyen “recevoir”. |
3 - LES TRANSFERTS
DE SIGNIFICATION Le grec βάλλειν
(bállein), suivant sa construction syntaxique, signifie “lancer”
[bsq. HA(R)BAILA “lance-pierre”]
et “atteindre”, “frapper”. On pense que le contenu
directif de l'accusatif est passé dans le verbe, qui, de “lancer”
en direction de la cible visée, devient “atteindre” et
“blesser”.
Cf. HITZ-EGIN
/HITZ/ “parole” + /EGIN/ “produire, faire”,
verbe transitif ; mais la locution figée rend le verbe nouveau “parler”
intransitif. LOAK HARTU “(s)'endormir”
/LOAK/ “sommeil” à l'ergatif (animé probable)
+ /HARTU/ “saisir”, transitif,
normalement LOAK HARTU NAU “le sommeil m'a saisi”, mais
en fait LOKARTU NAIZ “je me suis endormi”, changement de diathèse
du verbe imposé par l'actant-origine /LOA/.
Certaines racines présentent, d'une langue à l'autre,
une dualité sémantique qui relève de ce phénomène
de transfert, cf. bsq. /MIN/ “douleur, chagrin”
lat. memini ; bsq. /MINBERA/
“douloureux, sensible”
lat. memor (voir supra).
« Reconstruire le lexique, c'est en fait reconstruire le système
conceptuel qu'il exprime, la culture qui le sous-tend, la civilisation matérielle
qui l'entoure. Cette tâche exige qu'on mette en oeuvre des données
et des méthodes très diverses, qui sortent du cadre de la
linguistique, encore que le linguiste doive les interpréter selon
ses méthodes propres, comme l'a montré E. BENVÉNISTE
dans son vocabulaire des institutions indo-européennes. »
J. HAUDRY, L'indo-européen, 121. |
|