Si un moteur de recherche n'a sélectionné que cette page coupée du reste du service, cliquez sur le bouton Pour accéder à tout le site web EUROSKARA.com
DEUXIEME PARTIE
  1 - La Morphologie
de l'indo-européen,
essai de comparaison
avec les équivalents de

 
« AUX FONDEMENTS
DE LA SYNTAXE, L’ERGATIF »
l'Euskara (suite 1)
 

 

 Pour mémoire, a été traitée plus haut la Première partie du chapitre 1C : Les formes nominales (1)
 Les formes pronominales (2), Le cas (3), Le nombre (4), Le genre (5), Les catégories dérivationnelles
 du groupe du nom : dérivation par suffixation (6)


 7 - La flexion nominale : les déclinaisons
   a - Problématique de la syntaxe ERGATIVE : Extension et extinction dans l'indo-européen

        • 1-Ergatif de l'i.e.2-Extension  • 3-Extinction  • 4-Persistance en Euskara  • 5-Aux fondements ...
   b - Déclinaisons : SINGULIER et indéfini des autres cas que l'ergatif
       
1-Accusatif   • 2-Vocatif, Génitif, Ablatif   • 3-Instrumental   • 4-Datif et Locatif
   c - Déclinaisons : PLURIEL et indéfini des autres cas que l'ergatif
        • 1-Accusatif   • 2-Génitif   • 3-Instrumental   • 4-Datif, Ablatif
   d - Déclinaison et NOMBRE

C - Les catégories et les partie du discours :
ETUDE DU NOM ET DES FORMES NOMINALES (suite 1)

[...]
7- LA FLEXION NOMINALE : LES DÉCLINAISONS

L'indo-européen d'avant la dispersion avait une syntaxe à déclinaison. C'était le cas du latin, du grec, et c'est encore le cas de l'allemand, du sanskrit, du basque et de quelques autres langues. L'évolution générale des dialectes i.-e. a eu, entre autres traits, celui d'un brouillage des cas, suivi d'une réduction du nombre de ceux-ci, puis de la disparition du système qui a donné lieu à un type syntaxique doté de prépositions précisant le rôle des mots dans la phrase et complétées par la place contraignante des mots dans la phrase ainsi que par le contenu de certains lexèmes (hier, demain) n'exigeant aucun adjuvant syntaxique pour la compréhension de l'énoncé. Cela s'est fait sur une longue période : les français du XIIIème siècle conserve encore quelques cas hérités du latin, et le français contemporain n'en a plus que des traces : je l'ai vu, je lui (datif) ai dit.
Le système des cas est très complexe tel qu'il a été reconstruit dans l'indo-européen : Le latin a cinq déclinaisons avec trois genres et deux nombres. Le grec a trois déclinaisons de cinq cas avec trois nombres et trois genres. De plus, suivant que les mots sont pourvus ou non d'un thème : voyelle /*e/*o/ la manière de fléchir -d'accrocher la désinence de cas- change.

Pour la classe des athématiques il existe un système principal -de référence- et des sous-systèmes suivant le type de phonème final du radical (occlusives, sonnantes, laryngales).
Pour la classe des thématiques, la plus récente, les paradigmes casuels sont approximativement réguliers, avec peu ou pas d’alternance vocalique.
Le thème se termine par une voyelle alternante /e/o/ : il s’agit à l’origine d’un article défini postposé.

Le système de déclinaison du basque est plus simple, tout en étant plus riche en “cas”, qui sont en fait des postpositions. Par là, l’euskera est proche des langues modernes malgré les contrastes perçus au premier contact.
Sans entrer dans la jungle des déclinaisons i.-e., seront seules comparées les désinences du basque et celles de la flexion thématique et athématique de l’indo-européen, qui sont les mêmes ; c'est-à-dire que l’on ne prend pas en compte les “pontages” qui s’établissent entre radical et désinence, sources de complication et, pensons nous, inutiles à la comparaison.

Le basque a :

l’indéfini, ou radical nu, qui reçoit directement les désinences aux cas directs et avec médiation /R/ aux indirects (génitif et les cas dérivés).
le défini singulier qui est comme thématisé /a/e/, sauf ablatif, adlatif, génitif de but, destinatif.
le pluriel défini avec thème /e/, pluralisiteur, partout et prothèse /T/ aux cas faibles.

Les grammairiens analysent comme cas des constructions recourant au génitif ligateur /GAN/ GANAT, GANIK, etc. Grammaticalement on peut les percevoir plutôt comme les constructions avec prépositions du français : de la part de, au devant de, jusqu’à, à cause de…, etc. Surtout les “désinences“  peuvent affecter toute une série de noms et de substantifs. La comparaison avec l’indo-européen est tout de même fort intéressante.
 
7.a
- LES DECLINAISONS - PROBLEMATIQUE DE LA SYNTAXE ERGATIVE : EXTENSION ET EXTINCTION DANS L’INDO-EUROPEEN ET LES LANGUES INDO-EUROPEENES

L’euskera surprit fortement les premiers chercheurs du XIXème Siècle par la “spécificité” de sa syntaxe ergative, inconnue de ces linguistes n’ayant d’autre expérience que celle des langues accusatives. L’euskera distingue, en effet, formellement un sujet marqué /k/ des verbes transitifs (ERGATIF) et un sujet nu (sans marque) des verbes intransitifs (ABSOLUTIF). De plus, le complément d’objet direct est également dépourvu de marque, tandis qu’il est marqué dans les langues i.-e., c’est l’ACCUSATIF.

1 - SYNTAXE ERGATIVE DE L’INDO-EUROPEEN

On sait aujourd’hui que l’indo-européen a eu la syntaxe ergative, soit deux formes de sujet comme l’euskera actuel : un sujet marqué /s/ (ergatif) concernant les animés et un sujet nu (absolutif) concernant les neutres ou inanimés. De plus, les noms étaient également nus en fonction de C.O.D. comme dans l’euskera contemporain.

D’après A. MARTINET, Evolution des langues, prolongeant les travaux de VAILLANT et de LAROCHE, le système se brouilla lentement en i.-e., peut-être dès avant la dispersion hypothétique des peuples i.-e. Mais il y aurait suffisamment d’indices dont l’analyse permet de conclure à l’existence de l’ergatif dans la syntaxe i.-e., soit :

a) un nominatif marqué,
b) un accusatif sans marque.

C’est parce que de la part des « langues classiques », grec et latin, on accepte tout, que
« l’anomalie d’un nominatif qui ne se confond pas avec le thème nu » est passée inaperçue. C’est précisément la découverte de l’ergatif dans le basque et, maintenant, dans beaucoup d’autres langues, qui a conduit les chercheurs à s’interroger sur le pourquoi de ces nominatifs grecs et latins : « une nette majorité des noms sont marqués d’une désinence en /S/. Nous disons un /S/ ajouté au thème », A. MARTINET, op. cit., 89.

Les nominatifs en /ā/, sans désinence /s/, résultant de formes antérieurement pourvues de /S/ d’ergatif. A. MARTINET, explique, op. cit., 92, en s’appuyant sur le basque, le maya et d’autres langues ergatives, ce que devait être la situation de l’i.-e. : le thème nu couvrait à la fois la forme nominative, désignation pure sans fonction syntaxique, et la forme du patient-objet (passif) qui deviendra ultérieurement l'accusatif marqué. Les neutres ont effectivement la même forme nue au nominatif et à l’accusatif. L’analyse des mots composés i.-e. démontre que le premier élément (objet du deuxième élément qui est verbal) est un thème nu : le syntagme qui en est à l’origine marquait l’indication formelle de la nature du rapport des deux thèmes. Exemple, fr. maintenir = “tenir [en] main”. On peut par là comprendre la justification et la survivance de l’agglutination qui a laissé des traces dans les langues modernes, et plus que des traces dans le basque d’aujourd’hui.

NOMINATIF ANIMÉ, ERGATIF, ABSOLUTIF
SINGULIER ET INDEFINI (EUSKERA)
INDO-EUROPÉEN THÉMATIQUE ET ATHÉMATIQUE
EUSKARA

NOMINATIF ANIMÉ :
  /*-S/, attesté partout.
  Ancienne désinence d'ERGATIF
  remplacé dans les thèmes en /*-e/*-n/*-s/
  par l’allongement de la pré désinentielle.
  La désinence manque dans les noms en /*ā/ et
  ceux du type v. ind. devḯ



• ERGATIF ou ACTIF
  /-K/, sujet des verbes transitifs

• ABSOLUTIF
  zéro sujet de verbe intransitif

NOMINATIF, VOCATIF ï ð ERGATIF, ABSOLUTIF     
PLURIEL                     
INDO-EUROPÉEN
BASQUE

NOMINATIF, VOCATIF :

  /*-es/, attesté partout.

ERGATIF : /-EK /(/-E/ = pluriel, /-K/ = ergatif)
ABSOLUTIF : /-AK/ (pluriel) pas de marque de cas
Cas non marqué /-AK/ (pluriel) pas de marque de cas


André MARTINET, Evolution des langues, 8 et sq. :

« [...] Le nominatif des langues classiques […] qui, comme le nom l’indique, sert essentiellement à nommer la personne ou l’objet, indépendamment de toute relation grammaticale […]. Le sujet, au nominatif, est ce qu’on présente, indépendamment de ce que l’on va vouloir en dire. Comme le vocatif, le nominatif doit se comprendre hors contexte […] [c]’est le type même de la catégorie non marquée par l’indépendance qu’il manifeste par rapport au contexte. On s’attendrait donc à ce qu’il soit caractérisé par l’absence de toute désinence ou, comme on dit, par une désinence zéro. Or, une nette majorité des noms du latin et du grec a un nominatif positivement caractérisé par une désinence /–S/ ; nous disons un /S/ ajouté au thème, dès que nous nous plaçons dans le cadre de la grammaire comparée […] Considéré sous l’angle d’une évolution qui ne commence pas nécessairement à l’époque d’une diaspora indo-européenne hypothétique, et qui se continue jusqu’à nos jours, le problème du nominatif singulier prend un sens qu’il ne pouvait avoir dans la synchronie grecque et latine, ou, ce qui ne valait guère mieux, dans la synchronie hypothétique dite indo-européen commun, qui n’est en somme que le commun dénominateur des synchronies observables […] Cet /S/ de nominatif se révèle clairement à l’examen comme la marque traditionnelle du cas qui nous intéresse. S’il n’apparaît pas après les thèmes en /S/, c’est évidemment que /S/ +/S/, qui se maintient mal à l’intervocalique, comme le démontre la deuxième personne /*es-si/ passant à /*esi/ [“tu es”], a dû se maintenir encore plus mal à la finale, *flos-s passant naturellement à flos. S’il n’est pas attesté après les sonantes, c’est probablement qu’à une certaine époque, un groupe final comportant une sonante suivie d’un /s/ a dû se simplifier, soit sous la forme de //, comme dans le sanskrit k̥sās “terre”, soit, sous celle de la sonante. Comme l’atteste l’équivalent grec χθών du mot sanscrit qui précède. Mais si le /s/ s’élimine après les consonnes continues qui terminent les thèmes, son absence traditionnelle au nominatif singulier des thèmes en /ā/ doit avoir des causes phonétiques […] dès qu’on analyse l’/ā/ de ces thèmes comme la voyelle + une “laryngale”, c'est-à-dire, en fait, quelque continue d’articulation profonde. On peut donc supposer que le nominatif singulier des noms animés, c'est-à-dire, le nominatif distinct de l’accusatif, a été à une certaine époque, universellement caractérisé par /–S/ ».

La situation observée en grec, latin, sanskrit serait un résultat partiel d’une évolution éliminant la désinence /–S/ et qu’on voit se poursuivre dans les branches ouest de la famille.

« Les thèmes en consonnes occlusives deviennent de plus en plus rares et disparaissent un peu partout comme type distinct, le problème qui se pose pour des générations de locuteurs, tout inconscients qu’ils en soient, est celui de l’élimination de l’/–S/ de la classe des thèmes en /o/, celui de dominus et de λόγος ». 

Si bien que ce sera l’accusatif, qui n’a plus de marque formelle au singulier, qui s’imposera comme forme unique de préférence au nominatif en /–S/.

« L’antinomie du nominatif indo-européen, qu’il a fallu des millénaires pour surmonter imparfaitement, est née au moment où la forme en /–S/ s’est imposée comme un véritable nominatif. […] Elle suppose donc pour cette forme en /–S/ une position ancienne moins centrale, un sens moins dépouillé, une fonction syntaxique bien définie. Pour expliquer l’évolution, il faut que les situations dans lesquelles s’employait l’ancien cas aient largement coïncidé avec celles où est de mise l’utilisation du nominatif historique. Ces situations sont celles où un être animé ou supposé tel, est identifié comme le promoteur d’une action ». 
Le cas en /–S/ était donc le cas de l’agent ou, comme on le dit volontiers, un ergatif. Les neutres ne connaissent pas le cas en /–S/ parce qu’ils correspondent à des entités qu’on devait avoir peu l’occasion de concevoir comme agent. Un outil comme un crible, lat. crībum, neutre, peut être conçu comme un sujet dont on dira, par exemple, qu’il fonctionne bien. C’est la situation dans les langues classiques. Mais on ne saurait guère présenter un crible comme le promoteur d’une action quelconque. Il ne peut être conçu que comme le moyen qui permet l’accomplissement de l’action. En conséquence, un outil pourra s’employer à un cas instrumental ; il ne pourra pas s’employer à l’ergatif ».
 
De sorte que dans les cultures où le “feu” est perçu comme animé, il prend la désinence /–S/, latin ignis, et là où il n’est pas conçu animé, il ne prend pas /–S/, grec πῠρ.

 
2 - EXTENSION DE LA MARQUE D’ERGATIF /S/ EN INDO-EUROPEEN HORS DE SON CONTEXTE

Ici André MARTINET précise moins sa réflexion (op. cit., 103) et se limite à la proposition suivante :

« Mais lorsque s’est manifestée la tendance de mettre l’initiative [du procès] en valeur en tant qu’entité au sujet de quoi on disait quelque chose, l’emploi de l’ergatif en /s/ s’est étendu à des contextes, comme les constructions intransitives, où le thème nu avait jusqu’alors été la règle. Mais ceci ne pouvait se produire qu’avec des mots dont l’ergatif était d’usage courant. Dans le cas contraire, on continuait à employer le thème nu.
Désormais :

thème nu et cas en /s/, employés dans les mêmes contextes et avec la même fonction, devenaient un seul et même cas ;
les noms, toutefois se répartissaient en deux catégories différentes :

ceux qui avaient des formes différentes selon qu'ils étaient sujets de prédicats ou qu’ils se rattachaient comme objets à ces prédicats (= les non-neutres) ;
et ceux qui présentaient la même forme dans les deux cas (= les neutres).

Le nouveau cas sujet a hérité des fonctions proprement nominatives, asyntaxiques, du thème nu et est devenu la forme sémantiquement neutre, indifférenciée, du mot. Le nouveau cas objet, employé désormais avec une fonction syntaxique bien définie, était donc nettement ce qu’on désigne comme un “cas oblique”, et cependant il restait formellement un thème nu, une forme légère correspondant à un contenu sémantique lourd. Cette anomalie a dû favoriser le remplacement du thème nu, dans ces cas, par une forme allative en /m/ (ex. cast. préposition /a/ marque l’objet animé). »

Pour quelle raison s’est manifestée « la tendance de mettre l’initiateur [du procès] en valeur » en contexte de construction intransitive ? On ne peut qu’émettre des hypothèses suggérées par certaines “dérives” de la marque /K/ d’ergatif dans l’euskera contemporain : une frange de locuteurs, encore minoritaire semble-t-il, utilise la marque /K/ en hors contexte et l’omet souvent en contexte d’ergatif :

Le pluriel nu BAT-ZU “des” (marque isolée et atypique de pluriel) de l’indéfini singulier BAT “un”, fréquent dans l’énoncé, et des analogiques ZOINTZU “quels ? ”, “lesquels”, NORTZU “qui ?”, “les quelques personnes”, d’usage moins fréquent, se voient désinencés d’un /K/ tant à l’absolutif (nu) qu’à l’ergatif, ce qui brouille le système : même forme pour deux fonctions syntaxiques distinctes. Le motif semble résider dans le fait que ce marqueur /-TZU/-ZU/ de pluriel est perçu insuffisamment expressif, et ambigu, car formellement proche du suffixe /-ZU/ à valeur d’approximation. Le locuteur, qui veut souligner l’idée de pluriel, ajoute un /K/, marque généralisée de pluriel, toujours sur l’article, et la confusion se met en route...
L’omission de la marque d’ergatif apparaît chez les locuteurs qui ont acquis l’euskera sur le tard et porteurs du système des langues accusatives dans leur appareil notionnel. Donc le facteur actif est ici d’origine externe : indistinction de l’ergatif et de l’absolutif.
Il est probable que des phénomènes d’usure de l’expressivité, en action dans toutes les langues, et qui engendrent les évolutions, ont aussi agi dans l’i.-e. ou dans les langues qui en seraient issues, pour étendre l’usage de la marque d’ergatif hors de son contexte d’origine.
Sur-désinencement d’ergatif par de rares locuteurs à langue maternelle basque : Il s’agit encore d’hésitation entre la marque de pluriel /-K/ qui s’ajoute à l’article défini /-A/ à l'absolutif pluriel (BEHIAK ALAN DIRA “les vaches paissent”, verbe intransitif), et le pluriel ergatif, différencié par la forme /-E/ de l’article défini (BEHIEK ELKI DUTE GOLDEA “les vaches ont tiré la charrue”, verbe transitif). Quand le thème a une finale déjà en /-E/, exemple : JENDE “gens”, l’absolutif donnera au pluriel JENDE-AK et l’ergatif pluriel sera JENDE-EK ou JENDI-EK, dialectal ; la voyelle double étant source d’ambiguïté car pouvant se simplifier toujours en forme monosyllabique, le locuteur dit pour marquer “vraiment” l’ergatif pluriel JENDIAK-EK (cf. Ainhoa, Macaye, Mr. Michel LECUONA, 1980).
Si sans marque de pluriel on décline au singulier à signification de pluriel avec verbe au singulier, la difficulté disparaît : JENDEA KEXU DA “le monde est mécontent” et JENDEAK HOLA NAHI DU “le monde veut ainsi” pour “les gens veulent ainsi”. C’est la tournure des langues i.-e. avec les neutres pluriels et verbe au singulier τα ζόα τρεχέι (tà zóa trékhei) “les animaux cour(en)t”. Le recours à la forme de singulier à sens pluriel est régulier chez les “vieux basques” encore actuellement, rappelant les neutres de l’i.-e. : ARDIAK UNTSA MAITEN DU “la brebis (les brebis) rend bien”, URDIAK TIRARIK EZ DU “le porc (les porcs) n’est pas demandé”, etc.
Perte du pluralisateur /-E/ de l’article défini singulier /-A/ à l’ergatif et, souvent, aux cas obliques, par les dialectes occidentaux. Le phénomène serait ancien et attesté (dès le XVIème siècle ?). Ce qui donnera :

1) à l’absolutif pluriel : GIZONAK LANEAN DIRA “les hommes sont au travail”. Régulier.
2) à l’ergatif pluriel : GIZONAK EMAN DUTE (pour GIZONEK EMAN DUTE) “les hommes ont donné”. Irrégulier pour BN.

Le conflit homophonique ne semble pas perçu par les locuteurs, lesquels perdent également la syntaxe du prédicat nominal qui veut que le terme en fonction d’objet prenne la désinence du complément de nom, le génitif ; ainsi : BANOA BEHIEN (génitif) DEIZTER-AT (adlatif) “je vais à la traite des vaches”, se transforme en : BANOA BEHIAK (pluriel thème nu, C.O.D.) DEIZTER-AT “je vais à la traite les vaches”.
C’est peut-être le début d’un ébranlement général du systeme fondamental de la flexion nominale de la langue, sauf intervention efficace de l’Euskalzaindia (Académie de la langue basque)...
 
3 - EXTINCTION DE LA SYNTAXE ERGATIVE DANS L’INDO-EUROPEEN

Ce fut une évolution qui se serait déroulée sur plusieurs millénaires et que les dialectes occidentaux n’ont achevée que récemment : l’anomalie née de la confusion de l’absolutif et de l’ergatif, c'est-à-dire d’un nominatif « sémantiquement simple qui n’implique rien de plus que la désignation de la personne, de l’objet ou du concept » A. MARTINET, op. cit., 91, et pourtant doté de la marque /s/ « de fonction syntaxique lourde », se maintient un vaste domaine jusqu’à ce jour : en roman de l’Ouest le /s/ final se maintient longtemps, en ancien français (par exemple les textes d’Adam de la Halle, XIIème siècle) ; en germanique, « où la phonétique laissait attendre soit /s/, soit une forme plus débile /*-z/ », la marque disparaît presque partout, sauf en islandais, isolé et traditionaliste, et en balte, qui, par son isolement, ne fait que mettre en lumière « la tendance à faire coïncider la catégorie sémantique non marquée et l’absence de marque formelle » A. MARTINET, op. cit., 90.
Toutefois on constate dans le grec, le latin et le sanskrit une évolution entamée anciennement et en partie réalisée à l’époque classique :

Quand le thème a en finale un /s/, exemple flō-s, la désinence /s/ sur /s/ se maintient mal : cf. es-si “tu es” qui devient esi, et flos-s  flos. Précisons que le thème à /s/ de la racine /*bhlō-/ “fleur”, got. bloma, masculin, irl. bláth, gall. blawd, etc., fait l’objet d’hésitation chez A. MEILLET, 241, pour son interprétation : l’élargissement par /s/ serait-il un suffixe nominal /-es/ ou un suffixe désidératif ? Suffixe nominal ? Désinence /s/ déjà, mais immotivée ?
Sur finales en sonantes /n/, le /s/ d’ergatif n’est pas attesté : sonante + /s/ se serait simplifiée :
en /s/ skr. k̥sās “terre” ;
en /n/ gr. χθών (khtōn) “terre”. 

[bsq. /*PEZ-/*HEM-/*BUZ-/, donnant /*PEZ-/ PEZOIN “baradeau”, /*HEM-/ HEMOKA-TU “crépir”, /*BUZ-/ BUZTIN “argile”].
« Mais si l’/s/ s’élimine après les consonnes continues des thèmes, son absence traditionnelle au nominatif singulier des thèmes en /ā/ doit avoir des causes phonétiques. » A. MARTINET, op. cit., 89. Thèmes en voyelle + une “laryngale”, soit « quelque continue d’articulation profonde » qui a abouti à la “vocalisation” de la laryngale pour donner un /ā/ disyllabique.

Les linguistes postulent pour ces “laryngales” (// et // de hittite, seules attestées) une articulation profonde de type de l’/ach-/ allemand, à transcription conventionnelle /H/. Elles auraient pu, suivant les occurences des environnements phonétiques, soit s’amuir, soit durcir en /k/, André MARTINET, op. cit., 133 et sq., et particulièrement devant /s/ d’ergatif-“nominatif” : « ainsi s’expliqueraient les adjectifs et les désignations de personnes en
/-āk/, /-āko/ (cf. lat. audax “audacieux, effronté”, gr. νέᾱξ (neāx) “jeune homme”, v. sl. novakŭ » A. MARTINET, op. cit., 134. Il en irait de même des féminins en /-īx/ et slaves
/-ica/, et « bien d’autres formes, suffixes ou éléments lexicaux. »
Quand le système des genres apparaît en i.-e., et se développe très progressivement et bien incomplètement, de nouvelles formes viennent perturber le système de flexion nominale : beaucoup de thèmes de noms de personnes se terminaient en /e-H2/ (laryngale) ; A. MARTINET, op. cit., 150 : « lorsque le suffixe /ā/ (ou /e-H2/) à valeur féminine a commencé à s’étendre pour désigner le sexe féminin (type lupā), processus amorcé sans doute par les emplois substantivaux d’adjectifs féminins en /ā/ (eux-mêmes étant des génitifs de noms mâles : λύκος "loup" λύκαινα “celle du loup = louve” [bsq. ASTO “âne” ASTAIN-A (génitif + pronom enclitique-article défini)], la classe des masculins à suffixe homophone a tendu à s’éliminer ou à se différencier formellement. » Le processus aura été lent et incomplet : exemple agrícolā “agriculteur”, masculin ; mais « dans une langue où /a/ s’est imposé comme la marque par excellence du féminin, une désignation (adjectif) non traditionnelle en /a/ appliquée à un homme devient, presque à coup sûr un stigmate [...] cf. les féminins gouape ou lopette ». Le grec évite l’homophonie par différenciation formelle (/s/ ajouté à /a/, /n/ au nominatif, emprunt du /ou/ de génitif, ailleurs). Le slave n’a pas connu la dépréciation en question pour des raisons non élucidées. « Quand les analyses des “laryngalistes” ont démontré que les finales en /a/ étaient des /e-H2/, sans /s/ de “nominatif”, c'est-à-dire des thèmes à consonnes continues, on a réalisé les raisons de la non apparition de cet /s/ d’[ergatif]-nominatif (cf. skr. kṣaḥ/k̥sās et gr. χθών) : /s/ n’apparaît pas après /n/, /r et /s/ ; l’/s/
( /h/) du sanskrit est analogique et n’existait pas dans la langue commune. Ceci semblerait indiquer que, très anciennement, /s/ a été éliminé par assimilation à une continue précédente […].

Le facteur qui a déterminé, dès l’époque de la communauté i.-e., l’extension du /s/ nominatif à certains thèmes en /H2/, d’où /H2s/ /ks/, a pu être le besoin de différencier les masculins et les féminins en /eH2/.

Un masculin /new-eH2/ “le nouveau, un nouveau venu” face au féminin /new-eH2/ pour /new-y-eH2/ “neuve, nouvelle”, a reçu l'adjonction d’un /s/ /new-y-eH2-s/ pour éviter le conflit homonymique. Mais ce “nominatif”-là ne s’est pas étendu automatiquement à tous les masculins en /ā/ car il y en a d’attestés comme tels, notamment des composés (lat. agrícolā, gr. ῥοδο-δάκ-τυλος “aux doigts de rose” appliquée à l’aurore, féminin, ἡώς (hēōs).

Ainsi, la confusion thème nu/thème à désinence d’ergatif entraîne l’extension de l’ergatif puis son élimination.
 
4 - PERSISTANCE DE LA SYNTAXE ERGATIVE DANS L’EUSKERA

Il est difficile d’attribuer la survivance de l’ergatif au facteur de l’isolement, comme pour l’islandais, car l’aire géographique de l’euskera est une aire de passage de peuples depuis toujours et, d’autre part, il nous apparaît arbitraire d’attribuer un tel phénomène au caractère prétendument conservateur du naturel du basque. C’est un argument, une fois encore, de subjectivité, un présupposé banal vis-à-vis du basque et des Basques, nous semble-t-il. Il semble préférable de chercher dans la langue elle-même, et dans son évolution probable, les raisons susceptibles d’expliquer le maintien de la syntaxe ergative, ne serait-ce qu’à titre préalable à toute autre explication envisageable.

Si la langue a, dans le passé, limité l’usage de l’ergatif à l’initiateur animé du procès comme dans l’i.-e., il ne nous est pas parvenu d’attestation évidente. Toutefois, certains traits dialectaux iraient dans ce sens : la grammaire de P. LAFITTE rapporte l’expression HAURRE-Z (instrumental) MAITATUA “aimé des enfants” ; des éditoriaux en basque de l’hebdomadaire Enbata, ou certains articles du journal Herria, sous la plume de rédacteurs labourdins, emploient des expressions telles que GIZONEZ HIGUINDUA “détesté par les hommes”, JENDEEZ GAIZKI KUSIA “mal vu des gens”, etc... Dans le dialecte de l’auteur de ces lignes (BN centrale), ce type de construction n’apparaît guère : à la place de cette désinence d’instrumental on a systématiquement la marque d’ergatif pour ce genre de transitif signifiant un procès vraiment à l’actif, ou si l’on préfère “senti à l’actif” : GIZONEK HIGUINDUA ; JENDEEK GAIZKI KUSIA. Par contre, on trouvera normal : HAURREZ INGURATUA “entouré d’enfants”, PLAZA JENDEEZ BETHEA “place remplie de monde” ; INGURATUA et BETHEA sont sentis adjectifs déverbatifs, des passifs, qui entraînent un régime à l’instrumental.
La diathèse voulue par le locuteur -en bas-navarrais du moins- a besoin pour s’identifier du recours à l’ergatif dont c’est effectivement une des fonctions clé. Une expression comme GIZONEZ HIGUINDUA peut avoir formellement un sens ambivalent :

premièrement “détesté des hommes, par les hommes”,
deuxièmement “dégoûté par les hommes, détestant les hommes” (tournure de déponant).
Ceci exigera dans le contexte un alourdissement rhétorique pour lever l’ambiguité ou le contre sens.
L’euskera applique l’ergatif à tous les types de sujets : personnes, objets, notions, etc. Il n’y a pas de confusion possible avec les thèmes nus (absolutif = nominatif-accusatif). S’agit-il du résultat d’une évolution ? Nous manquons de référence.
L’euskera n’a pas différencié les genres masculin-féminin-neutre sur les noms et les adjectifs ; les conflits homonymiques sont évités sur ce plan. Les finales en /ā/ de l’i.-e. = /e-H2/ (laryngale) auraient-elles déjà valu un /k/ d'ergatif ?
L’euskera insère une sorte de voyelle thématique, ayant pratiquement le statut d’un pronom enclitique-article défini, singulier /A/, pluriel /E/ à l’ergatif, entre thème et désinence, quelle que soit la finale du thème, voyelle ou consonne (finale /A+A/ amalgame /A/, monosyllabique, et finale /E+E/ de pluriel /EE/, deux syllabes, plus ou moins bien respectées). Voir supra.
Les marqueurs spécifiques de tous les participants au procès : sujet (ergatif), patient (C.O.D.), les destinataire (C.O. indirect), l’allocutaire (partenaire de la communication) exprimés dans le verbe constituent comme des contreforts soutenant la stabilité du système et l’empêchent, en principe, de dévier. Le mécanisme est facilité par la régularisation quasi complète du système verbal à conjugaison de deux auxiliaires de base, être et avoir, pouvant supporter toutes les marques suivant un code invariable. Le français populaire du midi, le castillan et surtout les parlers latino-améraicains vont dans le même sens : “jetlié mis une castagne” pour “je te lui ai mis une...” , ou “je te la lui ai dite la vérité”, exactement comme basque ERRAN DIAKOZUT (ou DIOZUT) EGIA “je te la lui ai dite la vérité” ; D-I-O-ZU-T soit : D [pronom de troisième personne objet singulier] I [/I/ pour /U/ “avoir”] O [“à lui”, datif singulier] ZU [“vous”] T [“je”] = “la lui ai vous je”/“je vous la lui ai”.

Les constructions n’exigent pas le rappel systématique de la marque /k/ d’ergatif, elle fonctionne in absentia car supposée par la diathèse et la désinence personnelle postposée du “sujet”-agent.

Le système est fortement verrouillé.

A l’examen, l’ergatif de l’euskera se révèle l’axe fondamental de la syntaxe, sa clé de voûte. Malgré cela, on a vu ci-dessus les déviances possibles, qui s’expliquent par la pression des langues accusatives précédant l’acquisition parfaite de l’euskera : un phénomène récent d’apprentissage et de pratique retardés de la langue maternelle. Les risques de babélisation de l’euskera peuvent être écartés par l’étude et la maîtrise correcte de la langue, par les enseignants, les journalistes de la presse écrite et parlée, les écrivains, les poètes, chanteurs et autres acteurs publics. Cette qualité de la syntaxe doit prévaloir, pensons-nous, sur le souci exagéré de la pureté du vocabulaire, qui ne saurait être que relative. Du reste, l’expérience des jeunes enfants scolarisés en Ikastola, dès la maternelle, démontre que le code syntaxique, bien adopté au départ, n’est nullement perturbé chez les locuteurs par l’assimilation ultérieure d’autres langues, toutes accusatives.
 
5 - « AUX FONDEMENTS DE LA SYNTAXE, L’ERGATIF »
de Claude TCHEKHOFF. PUF 1978, préface d’André MARTINET.

Elle réalise un travail exhaustif portant sur l’ensemble des aspects du système ergatif : la marque, le prédicat et ses déterminants, la diathèse, la disponibilité du prédicat, constructions ergatives et accusatives, langues à plusieurs systèmes, les langues à construction ergative pure, dont le basque, celles à systèmes hybrides.

La syntaxe des langues consiste dans les mécanismes qui permettent d’indiquer la nature des rapports entre les participants et le procès, « système bien caractérisé d’indication de fonction » pour A. MARTINET, qui précise sa pensée relative à notre propos : « à ceux qui, sans avoir repensé les notions avec lesquelles ils opèrent, voient dans la combinaison d’un sujet, d’un objet et d’un verbe le noyau obligé de tout message à plus de deux termes, ce qu’on désigne comme la construction ergative apporte un démenti formel. »

Claude TCHEKHOFF poursuit : « [la construction ergative] inconnue dans les langues modernes occidentales, peut être conçue comme centrale pour la linguistique générale [...] schéma [qui], même après les travaux de VAILLANT, MARTINET, LAROCHE, d’autres encore, reste toujours entouré d’une aura d’étrangeté, d’exotisme, un fait marginal » op. cit., 11. « Dans le premier temps de la recherche, la découverte de la construction ergative a permis (aux linguistes) d’entrevoir qu’il existait autre chose que le schéma aristotélicien sujet-verbe-complèment des langues classiques, auquel les linguistes occidentaux étaient entièrement soumis » op. cit., 13.

Elle souligne enfin, à la page 13, la relativité du point de vue des chercheurs du XIXème siècle et de leurs successeurs, auxquels il est « difficile, voire impossible de se libérer d’un certain ethnocentrisme en matière d’analyse linguistique », et enfonce le coin à la page 46 : « si l’on oppose, comme suit, sur le plan théorique, les deux types de structure [constructions accusative et ergative], on voit qu’il n’y a, en syntaxe générale, pas lieu d’attribuer à la construction accusative une primauté quelconque sur le thème ergatif. En effet, synchroniquement, rien ne nous assure qu’il soit moins répandu que la construction accusative ou objective (nous soulignons) dont nous avons l’habitude ; il est seulement moins proche de nous que celle-ci. Quant à son mécanisme théorique, il n’est pas plus exceptionnel que l’autre... »

Nous nous en tiendrons, ici, en guise de conclusion à la remarque de Claude TCHEKHOFF qui fait allusion aux quelques six mille langues du monde existantes actuellement et dont les analyses ne sont pas achevées.
 
7.b - LES DECLINAISONS :
SINGULIER ET INDEFINI (EUSKERA) DES AUTRES CAS QUE L’ERGATIF


1 - ACCUSATIF

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
ACCUSATIF ANIMÉ :

• /*-m/*-n/, (/*-/*-/) après consonne attesté
• En finale absolue, les sonantes ont tendance
    à disparaître après voyelle longue.

Zéro
  Cas sans désinence du patient (C.O.D.).
• Se confond formellement avec
  l’absolutif.

A. MARTINET, op. cit., 91 et sq. :
« À l’époque où le cas en /–S/ était un ergatif, le nominatif proprement dit devait être le thème nu, ce qui est naturel dans le cas d’un emploi degagé de tous liens syntagmatiques. Ce thème nu est celui du nominatif-accusatif de la masse des neutres les plus anciens, ceux qu’on retrouve dans la troisième déclinaison de nos grammaires classiques. Ceci suggère que, outre son emploi proprement nominatif, le thème nu devait être mis à contribution pour désigner le patient, ce qui est la norme dans les langues à ergatif comme le basque, le maya, et bien d’autres . Il devait former, avec le verbe actif suivant, ce qu’on pourrait appeler le syntagme de base, celui dans lequel on se dispense de marquer le rapport des termes. Il couvrait ainsi largement les emplois de l’accusatif des langues classiques. […] grec μέθυ πινειν “boire du vin”, … latin mare videt “il voit la mer” ».

« L’interprétation du nominatif indo-européen, comme dérivé d’un ergatif primitif n’est pas nouvelle. M. André VAILLANT l’a présenté depuis 1936, Ergatif indo-européen, B.S.L. 36, p. 93-108. Mais pour un structuraliste [A. MARTINET l’est], l’argumentation qui précède apporte la confirmation décisive d’une hypothèse déjà ancienne ». 

Pour l’accusatif, A. MARTINET précise : « les noms se répartissent en deux catégories différentes : ceux qui avaient des formes différentes selon qu’ils étaient sujets de prédicats ou qu’ils se rattachaient comme objets à ces prédicats [les animés et assimilés] et ceux qui présentaient la même forme dans les deux cas [neutres]. … Le nouveau cas sujet … thème nu. […] le nouveau cas objet… avec une fonction syntaxique bien définie… “cas oblique”. [le thème nu] a dû favoriser une forme allative en /m/ (cf. cast. allative /a/ ( C.O.D. animé).
 
2 - VOCATIF, GÉNITIF, ABLATIF

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
VOCATIF
Zéro
VOCATIF
Zéro
GÉNITIF-ABLATIF :
• /*-e/*os/, dans les flexions ouvertes
• /*-s/, dans les flexions fermées.

Les deux cas sont confondus partout sauf en hittite :
GÉNITIF en /-/
ABLATIF en /-az/ réfection d’une forme
  anatolienne d’ablatif instrumental [bsq. /Z/
  instrumental].

Ces deux cas sont confondus en louvite
(ablatif instrumental /-ati/).

Un directif anatolien /*-ō/ dans son directif en /-a/ identique à lat. /ō/ des adverbes , quō

GÉNITIF :
/-EN/-R-EN/ :
• désinence de possessif, le /N/ final chute
  au singulier des pronoms personnels
• équivalent à accusatif en prédicat nominal
 
/-KO/ :
GÉNITIF LOCATIF, HERRIKO ETXEA
  “la maison de la commune = mairie”.
GÉNITIF PROLATIF ou de but : ETXEKO
  HAZIA “élevé pour la maison” équivalent à
  angl., to, cf. lat. quo-an-do.

ABLATIF : scindé en ÉLATIF, INESSIF, INSTRUMENTAL, PARTITIF, UNITIF, PROLATIF (voir infra).

La désinence louvite /-ati/ évoque le /T/ à la flexion au singulier du basque élatif /TA/ au pluriel : PARTITIF, INESSIF, INSTRUMENTAL, ADLATIF.
Le /o/ anatolien évoque /KO/ (génitif locatif et de but, directif), /-DINO/ (approximatif).

L’emploi du génitif basque de possession dans le rôle syntaxique de complément d’objet direct des langues accusatives, se comprend aisément si l’on réalise qu’à la base de la conjugaison basque, le prédicat nominal est canonique, comme cela, tend à se développer largement dans les langues modernes, où l’on parle de “style journalistique”, de “tour substantif”, de “tournures anglaises”, etc. Le C.O.D. direct patient du verbe fléchi (du français des classiques) devient complément de nom (génitif) du nom verbal (infinitifs divers : gérondifs, supins, etc.) transitifs ou intransitifs : “la course de Pierre” est aussi correct que “le meurtre de Pierre ”. “Le procès de rapprochement des deux capitales en froid donnera une heureuse conclusion au conflit latent…”. On voit bien la tendance à la simplification du prédicat par sa nominalisation qui permet l’élision des formes compliquées de la flexion verbale. L’euskera est allé pratiquement à l’extrémité de ce type d’évolution. Cela aura dû être l’un des traits qui surprirent les premiers linguistes qui l’abordèrent, à côté de l’ergatif totalement inconnu pour eux, et de l’étrangeté apparente de la morphologie qui ne se laissait pas déchiffrer, si ce n’est par le tout-emprunt. Cf. BELATERRA “prêtre”/avest. bərətar “prêtre” qu’Aymeric PICAUD déchiffre “bella terra” , ou AIUTA “élan, énergie vitale” que TOVAR & AGUD, après AZKUE font dériver de l’espagnol  “ayuda”, avec le sens de “lavement”.
 
3 - INSTRUMENTAL

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
/*-e (H1)/*-H1/, forme pleine /ā/ en indo-iranien
• /tya/, forme brève dans les gérondifs qui sont
  d’anciens instrumentaux, se retrouve dans
  l’ablatif lat. /e/ qui s’explique par la chute de la
  laryngale.
• forme réduite /*H1/ est celle des thèmes en
  *-i et en /*-u/, conservés en avest. Et quelques
  formes véd. comme /uti/ “avec l’aide”. En lat.
  /*-i/ et /*-u/ élargis par /d/ sur le modèle de la
  flexion thématique. Le caractère post positionnel
  ï návyasā vácaḥ
• /*-et/, en anatolien, indirectement attesté par
  le dissociatif en /*tos/ “d’avec” lat. funditus
  “depuis le fond”, “jusqu’au fond”.
• /-Z/
• /-GAZ/ bizk. GA(N)Z, amalgame de
  /GAN/ (génitif) + /Z/.
 ▷ Sert de médiatif surtout pour les
   inanimés (uniquement si doute à l’origine)
 ▷ Sert à former des adverbes : LUZAZ,
   EGUNAZ, EDERREZ, TENOREZ 
   “à temps”, etc
   - BIDEZ “par voie de”
   - BIDARTE “par l’intermédiaire de”


DISSOCIATIF :
  /ETA-N/, /-RAT/, /-RIK/ (pluriel)

La désinence /Z/ d’instrumental du basque semble correspondre à la laryngale disparue du même cas en i.-e. et où la voyelle qui la précédait s’est allongée, ce qui est la règle (F. de SAUSSURE, A. MARTINET) : Du reste un /-S/ réapparaît dans le pluriel de l’instrumental i.-e.

L’instrumental de l’euskera couvre au moins deux fonctions syntaxiques :

la médiation : ESKUZ “avec la/les main(s) ”, HUR-EZ “d’eau”
le dissociatif : ZUTAZ BERTZERIK “(je n’aime ) d’autre que vous”, ZERUAZ BAINO GORAGO “plus haut que le ciel = haut au delà du ciel”
la forme mediatif-instrumental semblable à la forme anatolienne apparaît dans les pluriels : flexion /E/, suffixé /-TA/ aux cas obliques.

L’emploi de l’instrumental pour les personnes : HAURREZ MAITATUA “aimé par les enfants”, P. LAFITTE Gram. Bsq. 435 est un barbarisme notoire dans le parler (dialectal) qui est le nôtre. Même pour les animaux l’instrumental est d’emploi sporadique : BEHIZKO-MEKANIKA “machine (actionnée) par les vaches”, dépiqueuse à fléau sur noria entraînée par des attelages, Estérençuby, faisant pendant à SUZKOMEKANIKA “machine (actionnée) par du feu”, batteuse à moteur à explosion.

On dit HAURREK (ergatif) MAITATUA pour traduire “aimé des enfants”.

La diathèse de passif est systématiquement exprimée par le tour ergatif. Cf. cette chanson humoristique : le sujet, qui revendique trois tares (buveur, joueur, fainéant) se targue d’être aimé des femmes : HORIEN GATIK GUZTIEN GATIK MAITE NAUTE NI “en dépit de ça, en dépit de tout ça, je suis aimé des femmes”. R. LAFON alourdira son œuvre (Système du verbe basque au XVIe S.) en interprétant l’ergatif basque comme l’expression de la voix passive, et théorisera sur le fait que le basque pense au passif. Toutefois on peut imaginer que dans un très lointain passé la désinence d’ergatif (actuellement /-K/) ait pu exprimer la fonction d’instrumental (actuellement /-Z/). En effet, cet instrumental a été signifié par une laryngale en i.-e. et l’ergatif par la sifflante /*-S/.
L’alternance /K/Z/S/ existe bien en basque : ZARINGA/XARANGA “glapissement cornemuse” et KARRANKA “croassement”, et lat. carmen, gr. kerux “héraut”, angl. sing, bsq. ZINGAR “porc, le crieur”, etc.
 
4 - DATIF et LOCATIF

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA

• /*ey/ latin, langues italiques, grec mycénien
• /*ay/, indo-iranien qui doit aussi reposer sur
  /*ey/. Mais une désinence /*ay/ est garantie
  par les infinitifs grecs en /-αι/ (y compris ceux
  en /-σθαι/
• /*-i/ est attesté par le gérondif baltique, lit.
  vaīkui (datif) kritant “à un enfant qui tombe”
  ð quand “un enfant tombe”.
  Or, /*-i/ est la désinence la plus fréquente de
  locatif, et /*-ay/ figure dans les adverbes de
  lieu : gr. γrχαμαί “a terre”. Il existe des locatifs
  indo-iran. en /*ay/ ( i.-e /*ay/ ou /*ey/, véd.
  rāyē “dans la richesse”, vı̊s̀e-vis̀e “dans chaque
  village”, divé-divé “chaque jour” qui ont des
  correspondants en lat. Carthaginī “à Carthage”,
  des adverbes comme temperī “à temps”.
  Il a dû y avoir anciennement scission d’un
  ancien datif–locatif en i.-e. une forme à
  désinence zéro archaïque attestée dans les
  noms de lieu et de temps : v. ind. ádhvan
  “sur le chemin”, avest. ayan “de jour”.
  Le caractère post-positionnel est reflété par
  l’équivalence entre les formes d’infinitif grec en
  /-μεν/ et /-μεναι/, avest. /-ayō/ (*ayas) et
  ayeńhē (*ayas-ay).
• /*e/*ow/*u/ désinence de locatif est attesté
  dans les adverbe lat. noc-tū “de nuit”, hitt.
  nekuz “de nuit”, et dans les flexions des
  thèmes en /*u/, dont le locatif singulier en
  /*-ēw/ semble issu de /*-ew-u/.

DATIF : /-I/-RI/, le /r/ est phonétique, en
  entrave à la contraction et à la diphtongaison
  (comme /d/h/ dans d’autres formes :
  BEDAR “plante”, BEHAR “nécessité”).

LOCATIF en /-I/ ne subsiste que dans des
  formes figées GARAI “au dessus”, ORAI
  “maintenant, à l’heure”, GARAI “à temps, en
  temps de”. La désinence a fusionné avec celle
  de l’INESSIF ORAI-N, GARAI-N (dans
  GANDI-TU GARAI-N-DI-TU) et avec celle de
  l’instrumentale : GARAI-Z.

LOCATIF à désinence zéro dans BIHAR
  “demain”, BARDE(A) “hier soir”, ETZI “après
  demain”.

DATIF des infinitifs en /–ARI/, dans
  HANDITZEARI “en grandissant = à grandir”,
  ETORTZEARI, AMAITZEARI “à l’arrivée”, “au
  terme, à l’achèvement”.

LOCATIF substitué par l’INSTRUMENTAL :
  HERRIZ HERRI = véd. vı̊s̀e-vis̀e  ;
  EGUNEZ EGUN = divé-divé.

Datif, locatif, inessif et instrumental seraient en voie d’amalgame en euskera pour exprimer la fonction syntaxique de localisation spatio-temporelle. Le datif des infinitifs conserve une idée de prospection, de futur, de procès à réaliser ou en cours de réalisation, infectum. Il y a dialectalement (BN) ellipse de la désinence /–I/, semble-t-il : JITER (JITE-AR) DA, parfait à signification de présent (pour JITER (IZAN) DA ?) qui se traduit “il était sur le point de venir”. Forme qui fait hésiter sur la nature de ce /–R/-AR/ : trace de la flexion du datif ? ou auxiliaire “être” /AR-I/ ?, comme dans BEDAR ?, (voir ce mot dans le lexique).
 
7.c - LES DECLINAISONS :
LES PLURIELS DES AUTRES CAS QUE L’ERGATIF


1 - ACCUSATIF

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
ACCUSATIF ANIMÉ :

/*-ns/, attesté partout sauf en anatolien où une désinence pronominale /*us/ l’a remplacé. Dans les thèmes en laryngale, désinence. /*-S/, les neutres ont deux formes attestées :
• allongement de la voyelle finale du thème avest.
  maná (*-ās) de manah- “esprit” ; ayārə (*-ār)
  de ayar- “jour”.
• la désinence /*-eH2/*-H2/ selon les langues. Lat.
  /*eH2/ dans trīgintā “trente”, “trois dizaines”,
  généralisée en sl. et germ.

Ces deux morphèmes sont d’annciennes formations de collectifs.


• Cas non marqué : uniquement marque de
  pluriel /-K/ en complément d'objet direct de
  verbe transitif fléchi (prédicat verbal).

• /-EN/ pluriel de génitif en complément de
  prédicat nominal = complément de nom du
  nom verbal.
 
2 - GÉNITIF

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA

*-(o)om/n/ ; la forme originelle /*-om/n/ est attestée en sl., celt., ombr.

La forme /*-oom/n/, véd. et gâth. /–aam/, confirmée par le périspomène du gr. /-ῶν/ et par la langue baltique (lit. /-ū/) et en germanique
(*-ō).
 

/-EN/, sans le /R/ intercalaire de singulier et d’indéfini, sauf aux génitifs pluriels des pronoms personnels : EUREN/BEREN face à lat. eorum “leur”.
 
3 - INSTRUMENTAL

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA

/*-bh/mī̌(s)/ :

• Les formes en /–m/ en sl., balt., germ. Le /ī/
  dans lat. nōbīs, vōbīs et balt (lit, mis)
• Le caractère post positionnel est reflété par
  véd. br̥hatḯbhir ūtḯ, une seule désinence pour
  le groupe (comme en euskera) “avec de
  puissantes aides”.

• /-Z/
• /-GAZ/, bizk. /GAN/ “avec” UNITIF + /Z/,
  INSTRUMENTAL.
GÉNITIF + /BIDEZ/ “par voie de”, +
  /BIDARTEZ/ “par l’intermédiaire de”
• /-ETAZ/ : DISSOCIATIF + INSTRUMENTAL,
  exemple ETXETIK (singulier), ETXEETAN,
  /-ETARIK/-ETARAT/ dissociatif étendu aux
  cas faibles
• /BIDEZ/BITARTEZ/ = “au moyen de”.

Les désinences d’instrumental au pluriel de l’i.-e., où apparaît la sifflante finale, semblent recouvrir les marqueurs d’instrumental du basque à sifflante finale aussi.
On perçoit une correspondance (i-e./bsq) au niveau des formes complexes : /bh-/ETA-/ procédant, peut être, d’un ancien génitif-ablatif, expression de l’origine ETXE-ETA-RIK BAT “une des maisons” et ETXEETA-Z HARAGO “au-delà des maisons”. L’impression est renforcée par l’identité du génitif i.-e. en /*-S/ et de l’instrumental basque en /–Z/i.-e. instrumental singulier /*-ī/*-ā/ dont la quantité longue recouvre une ancienne laryngale qui pourrait correspondre à la réalisation en sifflante de l’instrumental, et en gutturale /–K/ de l’ergatif bsq./*-S/ de l’i.-e. suppléant l’instrumental pour les animés.
 
4 - DATIF, ABLATIF

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA

/*-bh(y)os/*-mos/ :
Forme qui paraît constituée
• d’une désinence d’instrumental /pkbh(i)/
• suivie de la désinence d’ablatif singulier /*-os/.

Le sens initial de cette construction est “d’entre plusieurs”.
Cette désinence recouvre plusieurs fonctions syntaxiques différenciées en euskera.


Pour rendre les équivalents de l’ablatif-datif i.-e, on a :
• /EKIN/ GAN/ ......UNITIF
• /TA-Z/ .............INSTRUMENTAL
• /TA-T-IK/ ......... ELATIF
• /TA-R-IK/.......... DISSOCIATIF
• /TA-N/ .............INESSIF
Ces désinences complexes étant précédées de /E/ pluriel de la “voyelle thématique” qui est ici l’article défini, singulier /A/, pluriel /E/, peut être amalgamé avec /–E(N)/ de génitif pluriel, à connotation d’extratif-dissociatif (lat. ūnus nostrum “l’un de nous”) suivi des diverses désinences spécifiques.

De même que l’i.-e. /*-bh(i)/ correspond à l’anglo-saxon by (préposition), les désinences de bsq. ÉLATIF/DISSOCIATIF /–IK/, de l’ADLATIF /–AT/, de l’INESSIF /–EN/-AN/ correspondent respectivement à latin /ex/ē/ec/ “hors, hors de” (avec la nuance “de, vers, à, dans le voisinage de”), généralement avec idée de mouvement, “en vue de, pour“ + accusatif, toutes acceptions de l’adlatif-directif bsq. /–AT/ ; à lat. /in/ : préverbe et préposition (a cessé d’être particule indépendante) “en, dans” et “sur” en parlant de l’espace et du temps considérés en mouvement vers un but (in et l’accusatif : gr. εἰς). C’est bien le sens de la désinence d’inessif postposée à l’infinitif du verbe basque gérondif-infectum ou inchoatif (JATEN, ETORTZEN) ou en participe (IKUSTEAN, JAKITEAN) à idée de détermination, il y a l’article défini, comme castillan al ver, al entrar : localisation temporelle, simultanéité du procès visé avec un autre procès en cours ou survenant.
Ces “cas” continuent d’être traités comme tels par commodité, mais ce sont des postpositions évidentes, leurs homologues en préposition conservant sensiblement la même morphologie et modulant dans le même sens les fonctions des termes qu’elles régissent.

Les autres cas ont dû dériver semblablement de particules originellement autonomes :

/K/ de l’ergatif continuerait peut être un /-EK/-IK/ à sens de provenance (anglais from) en postposition pour bien stigmatiser l’acteur, l’agent animé à l’initiative de l’action.
/EKIN/GAN/ de l’associatif (unitif, comitif, accompagnatif) correspond à lat. cum “avec” + ablatif-instrumental ; il marque la réunion, joint au verbe il indique le procès arrivant à son terme : ERORTZEAREKIN = concidens “tombant tout à coup”, cast. con caer.

Le latin le postpose dans mēcum = bsq. ENEKIN, quibas-cum = EDONOREKIN ; ombr. erucom “avec lui”, bsq. HARE-KIN.

La nasale n’est pas essentielle (A. MEILLET 156) en latin pas plus qu’en basque (versification souletine). /-KI/ sans la nasale réalise un suffixe d’adverbialisation : EDER “beau” EDER-KI “avec beauté = bellement”, correspondant, semble-t-il, à un suffixe équivalent et le rappelant formellement du gr. πολλάκις (pollakis) “souvent” de πολυς “nombreux” ; μυριάκις (muriakis) “un grand nombre de fois, dix mille fois”, de μῡριος (mūrios) “innombrable, immense”, τεμαχί (temakhi), adverbe, “en tranches” verbe τεμαχίζειν “couper en tranches”, v. irl. com-, co- ; gall. cyn, cy, cyf ; ombr. cumne “(in) comitiō” = bsq. KIDE “compagnon” avec + /DE/ de valeur collective ? Cf. SENIDE, HAURRIDE, BIDAIDE, OHAIDE.
/EN/ de génitif pourrait dériver d’un /*ON-/*UN-/ “dedans, entre, dans, dedans”, cf. ONTZI/UNTZI “contenant, vase, navire”, qui doit être un composé doté d’un verbe d’état/d’existence /IZ/ ð /TZ-I/ dans EGOITZ, EMAITZ, ITOITZ, IRAITZ, DEITZ … Cette racine hypothétique se retrouverait dans lat. in “en, dans”, lat. inter “entre”, l’archaïque endo : Pour morphologie, cf. gr. /αντι/ante lat., skr. ȧnti  ? bsq. /ANTZ/ (NORANTZ) “vers où”. Le sens originel de /-EN/ génitif serait “de-dans” ou “d’entre” ce que suggèrent les génitifs-ablatifs i.-e.

En définitive, les désinences casuelles du basque et de l’indo-européen ne constituent pas des univers étrangers l’un à l’autre, ni dans la forme ni dans les fonctions syntaxiques. Les “cas” supplémentaires du basque semblent se retrouver formellement et sémantiquement dans les prépositions des langues indo-européennes et, parfois, en post-positionnement. Ce type de structure a été générale dans les langues indo-européennes, et se trouve conservé jusqu’à nos jours dans l’euskera.

Nous n’avons pas abordé les flexions diverses de l’i.-e. (athématiques, en occlusives particulières, fermée, ouverte, en laryngales, hétéroclites) sans intérêt global pour notre entreprise de comparaison des désinences du basque et de l’i.-e. « Les désinences sont originellement identiques dans toutes les flexions, à deux ou trois exceptions près ».
J. HAUDRY, L’indo-européen, 48.

« Il y a continuité, dit-il, entre les désinences et les postpositions du point de vue synchronique et du point de vue diachronique. Les désinences sont fréquemment élargies par des postpositions, par exemple, le datif singulier thématique indien en /-āya/, le locatif pluriel avestique /-hva/, le directif grec en /–de/ sur base d’accusatif ; d’autre part les postpositions peuvent par la fréquence de leurs occurrences, tendre au statut de désinences : ainsi gr. /-θεν/ fournit un véritable ablatif dans certains dialectes. Enfin, les emplois comme véd. návyasā vácaḥ, montrent clairement que certaines désinences sont effectivement d’anciennes postpositions 
 
7.d - DECLINAISON ET NOMBRES

Il n’y a pas de morphème de nombre : « la constitution des oppositions de nombre pose un problème difficile auquel on ne peut apporter actuellement que des solutions partielles ».
Le nombres est exprimé dans la déclinaison basque par des marqueurs hétéroclites : portés par l’article défini postposé, en principe, devant désinence :

DESINENCES
DESINENCES de singulier
DESINENCES de pluriel
ERGATIF
A(-K)
E(-K)
ABSOLUTIF  
(A)K
DATIF
-A-
-E-
GENITIF

-A-
/-E/
-E-EN
dans les pronoms personnels :
singulier /-E/
pluriel /-EN/
UNITIF
-A- (génitif + désinence)
-E-KIN/GAN
PROLATIF
-A- (génitif + désinence)
-E-EN-TZAT
INESSIF
-A-
-ETA-N
ELATIF
-A-
-ETA-T-/R-IK
GENITIF-but
-A-
-ETA-KO
GENITIF provenance
-A-
-ETA-KO
DISSOCIATIF
-A- indéfini
néant
APPROXIMATIF
-A-
ETA-RAT-INO
 
 
Suite du chapitre C
[Etude du nom ou formes nominales] : LA DÉRIVATION NOMINALE