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DEUXIEME PARTIE
1 - La Morphologie de l'indo-européen, essai de comparaison
avec les équivalents de l'Euskara (suite 4)

 Pour mémoire, ont été traitées plus haut les 4 premières parties du chapitre 1C : Formes nominales (1),
 Formes pronominales (2), Le cas (3), Le nombre (4), Le genre (5), Les catégories dérivationnelles du
 groupe du nom : dérivation   par suffixation (6), La flexion nominale : les déclinaisons (7), La dérivation
 nominale (8), Les pronoms (9)
.

    10 - LES NUMERAUX
               a) Les unités
               b) Les dizaines
               c) Les centaines et d) Les milliers

    11 - LES ORDINAUX
               a) L'ordinal en indo-européen et en euskara
               b) Formation du superlatif de l'indo-européen et de l'euskara

    12 - AUTRES DERIVES NUMERAUX

C - Les catégories et les partie du discours
ETUDE DU NOM ET DES FORMES NOMINALES (suite 4)
[...]
10 - LES NUMERAUX

Le système indo-européen de numération est décimal ; il comprend des unités, des dizaines, des centaines et des milliers.
Le système basque de numération est vigésimal ; il comprend unités, vingtaines, centaines et milliers.
10.a
- LES UNITES

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA

LES UNITES se déclinent jusqu’á quatre

• “UN”, /*sém-/ et /-/ (suffixé en /*no/, /*kwo-/, etc. Lat. ūnusoinos dans les inscriptions anciennes ; gr. ὁμος (homos) “un, le même”, skr. samá “un, le même”, v. perse hama-.









• “DEUX”, /*d(u)wóH(u)/ ; gr. δοιός “double”, i.-e.
/*dwei-/, v.h.a. zwi ; l’i.-e. /*dwi-/ est représenté par lat. bibis “deux fois”, bīnī “chacun d’eux”; gr. δυάκις “deux fois”, v.angl. twiga, twigea "deux fois".










• “TROIS”, /*tréyes/ (féminin /*t(r)i-s(o)rés/, ancien numéral personnel “trois femmes”).
Lat. trēs, tria et *ters ← *trĭs “trois fois” ;
Mycénien tı̊rı̊owe “à trois oreilles”, tı̊rı̊po “trépied”, datif tı̊rı̊seroe “le triple héros” ; gr.τριάκις “trois fois”.
Bvn. pose /*tr-ei/*ter-i/ et évoque la racine /*ter/, τείρω et τέρ-μα au sens de “dépasser” : τρεῖς “dépasse” le nombre deux, duel signifiant une paire. Chtr. 1131.





• "QUATRE”, /*kwetwóres/ : gr. τεσσαρες (tessares), béot. pettara-konta “40, quatre dizaines” ; mycén. qetor-owe “quatre anses”, qetoro-popi instrument “à quatre pierds” ; gr. lesb. pes(s)ures, béot. péttares ; skr. catu̇raḥ = gr. pésuras ; got. fidur-/fidwor ; arm. ç̌orkʽ, lat. quattuor, Chtr. 1109 : « le radical est /*kwet(w)e/or-/ » et renvoie à SZEMERÉNYI, Eifürung 205, qui pose /*kwetwóres/.















• “CINQ”, /*pénkwe/ ; lat. quīnque, gr. πεμπτος (pemptos), lit. peũkts, v. sl. pẹnstī.
On pense à gr. πύξ, πυγμή (púx, pugmē), etc. :

πύξ, adverbe, “avec le poing, en boxant”, glosé γρόνθος (Hsch.), le /s/ est expliqué comme /s/ adverbial [/-Z/ instrumental bsq. → suffixe d’adverbialisation], comme une désinence de nominatif (ancienne marque d’ergatif, dont la valeur d’instrumental subsiste dans l’euskera moderne), enfin comme desinence de datif pluriel ;

πυγμή (pugmē) “poing” et “pugilat, boxe” et mesure de longueur. Chtr. 956 : « N. VAN BRACK, Mélanges, Chtr. 263-276, a tenté de rattacher πύξ à une racine signifiant “tout ensemble” que l’on retrouverait dans πᾶς; et dans πέντε, v.h.a. fust “poing”, hitt. panku “tout”. »
Cf. bsq. BOSTETAN ou BIGA-BOSTETAN = “toujours”, ou litt. “deux fois toujours”, soit “absolument toujours”. Même sens que gr. /πᾶς/παν-/ préfixe augmentatif. Voir bsq. HUN-KI et UK/arm. hing, lit. pinki, indo-iran. páncā.

La graphie V  “cinq” du latin serait l’idéogramme de la main, X  “dix” celui des deux mains, VI/V/ + /I/, IX/X/ - /I/, etc...




• "SIX/*(s)(w)éks/ : lat. sĕx “six”, *sexnoi, distributif → sēnī “six chacun” ; got. saihs, lit. šeš-î, skr. ṣa̍ṭ, tokh. A ṣäk, gr. ῾ϝέξ, gall. chwech, etc.
MEILLET 621 : « Comme l’a vu F. de SAUSSURE, l’initiale de ce nom a dû être complexe en indo-
européen ».
Gr. ἑξάκις (hexakis) “six fois” ; mycén. hèk et, en composition, we-peza “de six pieds”. Radical /*sweks/ dont l’initial a pu se simplifier, soit en /*s-/, soit en /*w/. Chtr. 353.


• “SEPT”, /*septḿ̥/ : lat. septem “sept”, irl. sechtn, gr. ἑπτά (hepta), arm. ewtʽn, skr. saptá, avest. hapta.
Ordinal /-imus/ομος/, sl. sedmŭ “septième”, comme dans decem, novem, septem.





• "HUIT”, /*oktoH(u)/ : lat. octō “huit”, gr. ὀκτώ (ϝoktṓ), véd. astā́, avest. ašta, irl. ocht, gall. wyth, lit. aštůni et l’ordinal aštuntas.
Chtr. 790 : « les faits sanskrits notamment indiqueraient que la forme est un duel, ce qui a donné naissance à diverses hypothèses incertaines [...] SZEMERENYI (syncope 399 sq.) pense à poser /*okîtō/ ».






• “NEUF”, /*néwm̥// : lat. novem “neuf”, irl. noin, britt. nawn, gr. ἐννέα (ennea), skr. náva, got. niun ; il y aurait une prothèse /εν-/ en gr. et déjà dans le mycén. enewo-peza, l’arm. inn ; l’i.-e. serait /*new̥n/ ou /ə1n-ewṇ́/.











• “DIX”, /*dékm̥/ et /*dekm̥-t(i)/ “dizaine” qui reçoit les flexions comme un substantif. Lat. decem (decím dans les inscriptions), indéclinable, “dix”.
“Dixième” lat. decuma, decima ; gall. degwm ; gr. δεκα (deka), skr. dáça, got. taihun, irl. deichn, arm. tasn ; gr. ordinal δέκατος (dekatos) “dixième” différent de lat. decimus pour la formation ; got. taihunda et skr. daśama “dixième”.


LES NUMERAUX basques se déclinent tous.

• “UN”, BAT, suffixé /ÑO/ et /KO/ → BAÑO et
  BATEKO “as”
  ⊲ HAMBAT “autant”
  ⊲ ZEMBAT “combien”

Ces deux formes pourraient contenir le /*sém-/ et le gr. /ὁμ-/ (hom-) ;
  ⊲ HAMEKA “onze = 10 et 1”, cf. skr. ékaḥ “seul, un” ;
  ⊲ BAKOITZ “chacun”, cf. gr. ἕκαστος (hekastos)
  “chacun, chaque” ← *ἑκασ τις “chacun pour soi” ←
  *ἑκασ τεοἑκάστου. WACKERNAGEL,
  Chtr. 328.

• “DEUX”, BI/BIGA “paire, deux ensemble” ;
  BIKUN “deux ensemble, paire” ;
  BIZ (/Z/ instrumental) “par deux, deux fois” ;
  BINA/BIRA “deux chacun” ;

➣ /*OR-/*ER-/ “deux” dans les dérivés ERDI “moitié”, ARTE “fente, intervalle”, BORTZ “5 = moitié de 10 ?”, ZORTZI “8 = 2 à 10 ?” ; cf. arm. erko- “deux”, ombr. dur “deux”, lat. iterō “répéter” ; avest. atãrō “celui-ci (de deux)”, lat. cēterum, cēterī “opposition de deux”, alter “l’un des deux”. Bsq. BIDER “fois” → BIDER-KA-TU “multiplier”.


• “TROIS”, HIRUR
le radical /HIR-/, th. I, est conforme à la structure du mycénien tı̊rı̊/tir-i/ et á la racine posée par Bvn., Hittite et indo-européen, 85-87.
Le /-UR/ de HIRUR, s’il s’agit d’un duel, nous renvoie à la désinence de première personne de pluriel de bsq. /GU/KU/ et de l’i.-e. /wu-/ (duel), angl. we.
Quant à la relation avec τείρω et τέρ-μα au sens de “dépasser”, on a bsq. TIR-UR-I/FIR-UR-I dit du tourbillon du courant d’eau qui creuse un cratère et du vent qui transperce = trouer, traverser. Bsq. TERATURI/TERATARI = gr. τέρετρον “tarrière”.
 
• “QATRE”, LAURLAUREN/LAURDEN “quart”, LAURKUN “quadruple”, LAUORTZ “charrue à quatre socs”, LAURNA “chacun quatre”, LAUROINKA “à quatre pattes”.
La deuxième syllabe /-UR/ est formellement identique à celles des formes des langues i.-e.
La première syllabe /LA-/ pose problème. Le chiffre “quatre” étant le multiple de “deux”/*OR/*UR/ et un bsq. /LAIN/ “autant que” existant, on serait tenté de supposer quelque chose comme “deux-deux ?” difficile à extraire de l’actuel LAUR...

Mais les formes i.-e. : gr. pésuras ; got. fidur-/fidwor incitent à présumer un /BE/BI/ dans la première syllabe de pés-(bis ?)uras et de fid-ur-, soit un “deux fois deux” avec des formes différentes du même chiffre, mais que l’arm. erko- “deux” et arm. ç̌orkʽ “quatre” semblent relier, bien que le détail nous échappe.

Cf. lat. findō et *fifidi “fendre” ; skr. bhinadmi “je fends” ; bsq. ERDI-BI-TU “fendre en deux par le milieu”.

  • “CINQ” : BORTZ, BOST, BORZ, qui peut aussi signifier : 2º “mucho, beaucoup”, Azk. I, 179 : « il est à remarquer que BORZ et ses variantes BORTZ et BOST ont les deux mêmes acceptions de nombre déterminé et grande quantité indéterminée que, AMAIKA, à la différence de ce dernier mot, s’emploie toujours en signe d’admiration, chaque fois qu’il désigne une quantité indéterminée » ; 3º “tout, totalité” : BOST INAHALAK “tous les efforts”.
BOSTEKO (/-KO/ désinence de génitif à valeur déterminante : “le cinq”) = “main” gauche ou droite.“main, poing”.

 

 

 
  Il y a donc continuité BORZ-BOST/πύξ-πέντε/
pugnus
/ hind-penki/HUN-KI, UK...

L’étymologie véritable de bsq. BORZ serait /ϝor/ “deux” ou “demi” + /TZ(I)/ “dix”, soit V “cinq” ou “moitié” de X “dix”. Bsq. ERDI (← *(H)ER-DI à suffixe d’adjectif verbal /-TI/) “moitié” et “centre” → >καρδία “coeur” et “estomac”, v. sl. srěda “milieu”.

 
• “SIX”, SEI sans sifflante ni gutturale finale.
  SEINA/SEIRA “six chacun” ;
  SEIA “le six” ;
  SEIKOTE “groupe de six”.








• “SEPT”, ZAZPI, la sifflante intérieure ne s’explique guère par rapport aux formes indo-européennes. Cette sifflante interne peut recouvrir une autre consonne, peut-être le /t/ de sept-, hept- préalablement rétrogradé par métathèse. La chute de la dentale est normale, en phonologie de l’euskera, au contact de l’occlusive bilabiale sourde.


• "HUIT” : ZORTZI thématisé, qui, selon l’hypothèse proposée supra, signifierait “deux avant dix”.

Peut-être les formes complexes correspondantes des autres langues i.-e. reposeraient-elles sur le même mécanisme “deux avant dix” que l’on pourrait déduire de l’observation de SZEMERENYI, et que suggèrent les graphies latines des chiffres.
ZORTZI “huit” = IIX ? “deux avant dix”, comme BEDERATZI ou BEDERATZÜ “neuf” = IX, “un avant dix” ; cf. lat. duodēvīginti “dix huit”, ūndēvīgintī “dix neuf”.
 
• “NEUF”, BEDERATZI, dialectal BEATZI/BEDEATZI = “un avant dix, un vers dix”. Voir supra.
  BEDERATZI thématisé est interprétable semble-t-il : syntagme /BAT/ “un” (cf. BEDEREN “une fois”, “au moins”) + /ERAT/ désinence d’adlatif, mais antéposé à son régime (ce qui révèle une grammaire différente de l’actuelle qui postpose les flexions) + /TZI/ “dix ?”, soit “un vers dix, un avant dix”, cf. lat. ūndēvīgintī “dix neuf”.
  Si le /ne/ initial de i.-e. /*néwm̥/ est un privatif (gr. /ν-/νε-/ à côté de /ἀν-/ et /-/ privatif), on peut concevoir un mécanisme de construction analogue à bsq BEDERATZI : il y avait un /m/ dans decem “dix” comme dans septem ← skr. daçamaḥ “dixième”: /*néwm̥/n̥/ = “dix privé de un” ???

• “DIX”, HAMAR. Le mot comporte /HAM-/ rappelant lat. /-uma/, gall. /-wm/, skr. /-ama/, etc. S’agit-il de l’équivalent de lat. /sem-/ marquant “l’unité”, gr. ὁμος (homos) “uni, commun” ? C’est donc dans le deuxième terme /-AR/ qu’il faut chercher ce que /HAM-/ unirait.

L’hypothèse que /AR/ “deux” aurait perdu un /K/ (de /*UK/ “main”) peut s’appuyer sur les formes de lat. /dec-/, de gr. deka-, skr. dáça, gott. taihun... Soit “les deux mains réunies = 10 ?” ; cf. l’idéogramme latin X signifiant “les deux mains”.

Bsq. /UK-/ existe bel et bien : UKABIL “poing fermé”, UK-GARAI “poignet”, UK-ONDO “coude”, UKALDI “coup (de poing)”, UKAN “posséder, avoir, maintenir, en main”, analogique de IZAN “exister, être”, litt. “en souffle” ; UKATU “dénier, nier”, HUKI “toucher”, EDUKI “tenir, conserver, contenir”, etc.

On peut rapprocher gr. ἔχω (ekhō) “avoir”, infinitif ἔχειν (ekhein), auquel on attribue une racine /*sogh-/...? Cf. ἐχυρός (ekhuros) “fort”, πῆχυς (pkēhus), ἄγκων (ankhon), βραχίων (brakhiōn) “bras”. Il n’y avait pas de nom de bras en i.-e., mais il y a le radical /πυγ-/ → πυξ (pux) “poing”, lat. pugnus “poing”, lat. pungō, pupugi “piquer”//bsq. /*UK-/ “main, poing” ? L’absence de consonne initiale s’observe ailleurs (BUZTARRI/UZTARRI “joug”, GAZTIGAR/AZTIGAR “érable”, etc.)
  L’ensemble de ces rapprochements est évidemment conjecturel : /*dékm̥/ “dix” ← /*di-e/ok-om/ = “deux mains (poings) ensemble”, parallèle à bsq. HAMAR-*K = “ensemble deux poings”.

➣ /*TZI/ : “DIX”, cf. skr. dáça, osq. dekis, arm. k’san, étrusque Sar, génitif Saris ; cf. les suffixe : v. nor. -tigr, v.h.a. –zig, -zug, v. frise –tich, angl. -ty signifiant “dix”, et : got. tigjus, v. frise –tich signifiant “dizaines, décades”, ou encore : proto-germ. *tekhuniz, v.h.a –zehan, germ. –zehn, got –taihun, formes infléchies de la racine de “dix”, apparentées à lat. –decim, → ital. –dici, fr. –ze, cast. –ce, angl. –teen.
 
10.b - LES DIZAINES

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA

De “ONZE” à “DIX NEUF” les nombres sont exprimés par des composés additifs de type lat. ūn-decim “un (plus) dix”.
• Les dizaines sont exprimées par des composés multiplicatifs : /*wi(H1)-(d)km̥t-i(H1)/ “deux dizaines” = “vingt”, /*tri(H2)-(d)km̥t-eHa/ “trois dizaines” = “trente”.


SYSTEME DECIMAL de numérotation jusqu’à cent.
On trouve cependant l’usage du système vigésimal dans plusieurs langues de la famille i.-e. ; cf. danois tres (pour tresindstyve) “trois fois vingts” = “soixante”, firs (pour firsindstyve) “quatre fois vingts” = “quatre vingts”, etc. ; angl. score “vingt” était utilisé en multiple pour les “vingtaines” ; gall. deugain “deux vingts” = “quarante”, pedwar ugain “quatre vingts”, etc...

• “ONZE” : /HAM-/ “dix” + /EKA/ ← skr. ékaḥ “l’unité, seul”. Pour le reste, les nombres sont exprimés par des composés additifs, comme en i.-e.

• “VINGT”, HOGOI : cf. gr. εἴκοσι, Hom., (Ϝ)εικοσι (weikosi) ← i.-e. /*wī-km̥t-ī/ = “deux dizaines”.
cf. gall. ugain “vingt”.
 
SYSTEME VIGESIMAL de numérotation même au delà de cent : BERRHOGOI, gall. deugain “deux vingt = quarante”, HIRURHOGOI, gall. trigain “soixante” et LAURHOGOI, gall. pedwar ugain “quatre vingt”, etc... SEIETANHOGOI “six vingt = cent vingt”, cf. à Paris la rue des Six-vingts (XIIIème S.).
  “Trente” en basque HOGOI-TA-HAMAR “vingt et dix”, tout comme le français dit “soixante dix” pour “septante”.

Lat. *ginti “dix”que l’on trouve dans uīgintī, trīgintā, quadrāgintā, etc., “vingt, trente, quarante”, etc., reprenant la forme i.-e. /*wī-km̥t-ī/ = “deux dizaines”, pourrait laisser supposer que HOGOI aussi est un composé ← /*(H)O/ “deux” ← /*OR/*ER/ “deux” + /GOI/ “dix ?” (qui cohabiterait avec la forme /*-TZI/ “dix” de ZORTZI, BEDERATZI ), Ou encore /*(H)O/ ← /ORO/ “tout, tout entier”, cf. gr. ὅλος (ϝolos) “tout entier, complet, tout” ) + /GOI/, soit « “?” tout entier, complet » ?
 
10.c - CENT ET LES CENTAINES

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA

« Cent est exprimé par un dérivé du nom de la dizaine,
/*(d)km̥t-o/ » (J. HAUDRY, 68).
Skr çatám, gr. -κατόν (he-katon), Lat. centum, v. sl. sŭto, lit. šim̅tas, irl. cet, gall. cant, proto-germ. *hunda, got. hunda-, v.h.a. hunt, etc. .
  Les centaines sont exprimées par des syntagmes (type fr. deux cents) ou des composés (type lat. ducentī ).

• "CENT” : EHUN. cf. proto-germ. *hunda, got. hunda-, v.h.a. hunt, all. hun-ert, angl. hund-red.
Homophone de EHUN “tisser, battre” et “unité de mesure des tisserands”.

  Les centaines : composé BERREHUN “deux cents” et des syntagmes : HIRU-EHUN, LAU-EHUN “trois cents, quatre cents”, etc.
 
10.d - LES MILLIERS

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA

MILLE est exprimé par un immotivé /*gheslo-/ dont le grec a un dérivé /*ghesl-yo/, l’indo-iran. et le lat. des composés en /*sem/, “un mille” : indo-iran. *sq-hásra- /*sm̥-gheslo-/, lat. mīlle /*smH2-ghsl-iH2 /.
  Les autres langues l’ont remplacé par différents termes exprimant l’idée de “grand nombre”.

• “MILLE” : MILA. Dit aussi pour exprimer l’idée de “grand nombre”, cf. ESKER MILA/MILESKER “merci infiniment”.

  En concurrence, pour “grand nombre”, avec TOLE “en grande quantité, à volonté, à saturation”, apparenté à /*gheslo-/ ?
 
11 - LES ORDINAUX

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA

Á part “PREMIER”, tiré de l’invariant /*preH3 / “devant”, ce sont des dérivés des numéraux cardinaux. Leur suffixe est originellement l’article défini postposé /*-o/ : /*dékm/ →/dekm-ó-/ “dixième” (“le dix”). Le suffixe /*-(o)no/ serait issu de /*newn-o/ “neuvième” ← lat. nōnus “neuf”.

• Les ordinaux peuvent dénoter l’appartenance à un ensemble sans indication de rang : /*dekm-o-/ “appartenant à un groupe de dix”. D’où les emplois comme RV. 7.36.6 Sárasvatī saptāthī « Sárasvatī appartient au groupe de sept (rivières) ».

• Les ordinaux i.-e. peuvent aussi marquer le rang dans l’ensemble auquel appartient le déterminé.

• “PREMIER” : LEHEN est un adjectif verbal au superlatif “préféré, (le) plus désiré” de /LEHI/LEI-/ “désir, volonté”, cf. gr. λῶ, λην “désirer”.
Les autres ordinaux peuvent avoir :
  ⊲ suffixation /-A/, article défini postposé : BOSTA “le
  cinq”, ZAZPIA “le sept”. Marque d’appartenance.
  ⊲ /-EKO-A/, désinence de génitif de provenance +
  article défini postposé : BAT-EKO-A “l’as”,
  ZORTZIi-KO-A “le huit”, etc. Marque d’appartenance.
  ⊲ suffixe /-REN/, désinence de génitif de possession :
  HERENHIRU “troisième”, LAURDEN/LAUREN
  “quart et quatrième”, etc. Marque aussi le rang.
  ⊲ suffixe /-GARREN/ du verbe archaïque /GAR/KAR/
  “faire, réaliser, produire” : HAMAR GARREN “(l’unité)
  qui réalise dix”, cf. Bvn. Noms d’agent 144 sq.
  Le verbe /GAR/ n’existe plus que sous forme de
  composé : MINGAR “aigre, piquant”, “détracteur”,
  de /MIN/ “douleur, pensée, nostalgie, chagrin...” ;
  ZINGAR “porc”, de /ZINK/ “cri” → “le criard”
  ► GARR-I a une désinence primaire /I/
    d’actualisation : LOTKARRI “lien, bandage,
    pansement”, BELDURGARRI “terrifiant”.
  ► GARREN a une conjonction de subordination
    postposée /-AN/-EN/ (gr. ἄν antéposé) et à la fois
    pronom anaphorique “qui fait”.
 
11.a
- L’ORDINAL EN INDO-EUROPEEN ET EN EUSKERA

On a vu la relation formelle entre le superlatif et l’ordinal en euskera, avec LEHEN “premier, le préféré, le plus désiré”. Le même suffixe se retrouve dans bsq. HOBEREN “le meilleur” ← /HUPER- SUPERSUPERANUS → fr. souverain ; dans bsq. BEHEREN (← /PE-/BE-/ “bas, dessous”) “le plus bas”//lat. inferus “qui se trouve par dessous” → *in-ferenin-fernus (cf. supernus, internus); īnferna “les demeures des dieux īnferi”, cf. infernum “enfer” [alternance bsq. /BE/BAR/ et lat. fer, skr. dhar : cf. dhētmena “qui allaite” → fēmina ← bsq. /JAT-/, got. itan “manger”]. M. 317 fait correspondre lat. inferus et skr. ádharaḥ à got. undar “sous”. Mais bsq. ONDAR “dépôt, sable”, “ce qui tombe le plus bas” a une étymologie claire : OIN “pied”, POIN dans certains composés (ESKALAPOIN “sabot”). Toutefois bsq /PE-/BE-/ “bas” est sans doute de la famille de lat. pēs, gr. πούς “pied”, comme POIN lui-même qui doit avoir une flexion de génitif.

E. BENVENISTE, op. cit. chap. XI, Le superlatif et l’ordinal, étudie la fonction de l’ordinal. Citant K. SETHE et ses observations sur les ordinaux en vieil égyptien, il précise, p. 146 : « les ordinaux égyptien s’expriment par l’addition du participe /mḥ/ “remplir” au nombre cardinal. Il s’en suit que l’ordinal désigne proprement l’élément d’une série numérique qui la termine et la “remplit”, dans le dernier terme [...] Le procédé se retrouve en sémitique où, en arabe par exemple, au moins pour les ordinaux des nombres élevés, on emploie pareillement un participe de “remplir” [...] dans la plus ancienne numération connue, celle des Sumériens, on employait au moins pour le nombre fractionnaire, qui n’est qu’une variante de l’ordinal, une expression semblable : i̊gi-5-gala “le cinquième, la cinquième partie”, littéralement, suivant toute probabilité, “la partie complétant les 5 (parties)” [...]. Il ne suffit pas de constater qu’une certaine langue possède une série de nombres ordinaux. Il faut encore que la formation des ordinaux entre dans une classe d’expressions comportant au moins un autre emploi, et c’est la comparaison entre cet emploi particulier et celui de l’ordinal qui éclairera l’interprétation ». C’est ce que nous avons tenté de faire pour l’euskera au début de ce paragraphe-ci, avec GARRI/GARREN de /GAR/ (qui en th. II réduit donne lat. creāre).
E. BENVENISTE donne des exemples du même ordre en géorgien, thibétain, chukchee, koryak, kaměadal, en yukaghir dont l’ordinal dérive du cardinal à l’aide de suffixes verbaux (cf. bsq. GARREN). L’ordinal doit donc s’interpréter comme “celui qui fait” le nombre entier. Et de continuer avec le malayo-polynésien, le tagalog (Philippines), l’osage (Sioux), le kalispel, le blacfoot (Algonquin), le manan (N. Dakota), le hopi, etc.

Les faits sanskrits et grecs confirment que la notion d’ordinal est toujours celle d’un ensemble auquel l’ordinal ajoute l’élément final, « que cet ensemble soit un entier par nature et, en ce cas, l’ordinal équivaut à un nombre fractionnaire, ou qu’il soit un tout occasionnel, qui trouve sa complétude par l’addition d’un dernier terme. » Bvn., op. cit., 158.
 
11.b - FORMATION DU SUPERLATIF DE L’INDO-EUROPEEN ET DE L’EUSKERA
E. BENVENISTE
, Noms d’agent et noms d’action, 161

« Une particularité qui a été plusieurs fois observée est la coïncidence entre la final des ordinaux et celle des superlatifs. Les suffixes /*-tho/, /*-mo/, /*-t̊mo/ servent ensemble au superlatif comme à l’ordinal, de sorte qu’il y a souvent identité curieuse de formation entre les formes des deux catégories : avest. vīsastəma- “vingtième” comme θwyąstəma- “le plus terrible” ; lat. septimus comme optimus ; gr. τρίτατος (tritatos) comme φίλτατος (philtatos) ».

L’ordinalité n’aurait été, pour certains analystes, qu’une superlativité, ce qui nous amènerait à assimiler l’ordinal au superlatif. Mais les rapports ne sont pas seulement morphologiques, le superlatif se réalise souvent par la même expression syntaxique que l’ordinal.

« L’ordinal indique le terme dernier qui complète l’ensemble [...] Le superlatif dénote le terme qui porte à son pont final une qualité que d’autres termes manifestent [...] L’ordinal et le superlatif qualifient l’un et l’autre l’élément qui achève une totalité. »

Le suffixe d’ordinal et de superlatif du bsq. /R-EN/ est syntaxiquement une désinence de génitif extractif : HANDI → HANDIEN (génitif indéfini) → HANDIEN(A) (génitif défini) “le plus grand de(s) grand(s)”. HANDIEN-A seul, en langage soutenu. Cf. fr. bon de bon, fort de fort.

 
12 - AUTRES DERIVES NUMERAUX

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA

AUTRES DERIVES NUMERAUX EN INDO-EUROPEEN :
Les dérivés de possession ont donné
• des collectifs : v. isl. tveunr “formant une paire”,
• ou des distributifs : lat. bīnī, etc.
• Quelques possessifs proprement dits : véd. śat-in- “qui possède cent”.

DERIVES DES NUMERAUX EN EUSKERA

BIKUN “paire”, BIKOTE “couple”, BIAKA (S)
   “jumeaux”, etc. /-KUN/ “avec”, /-TE/ collectif,
   /-KA/ itératif.
⊲ Des collectifs :
   • HIRUKI “triangle”, HIRUKOITZ “triple”, etc.
   • LAUKA “à double attelage”, LAUKATU “prêter main
     forte”, LAURKI “carré”, etc.
   • EHUNTE “centaine”, EHUNETAN “cent fois”,
     EHUNKAL “par centaine”, etc.
⊲ Des distributifs : HIRUNA, HAMARNA, BA(T)NA
   “trois, dix, un chacun ”.