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TROISIEME PARTIE
2 - La SYNTAXE DE LA PHRASE SIMPLE de l'indo-européen,
essai de comparaison avec les équivalents de l'Euskara

Pour mémoire, a été traité plus haut : LA COMPOSITION (1A + 1B + 1C)

 2-A - LA RECONSTRUCTION DE LA SYNTAXE        /       2-B - L'ACCORD
 2-C - LA SYNTAXE ET LES FONCTIONS
   • Les deux types de la phrase simple   • Le sujet   • L'objet
   • Les compléments circonstanciels
        o L'INSTRUMENTAL   o LE DATIF   o SYSTEME DES CAS LOCAUX   o EMPLOI CIRCONSTANCIEL DE L'ADJECTIF
        o LE SYTAGME NOMINAL ET SON ACCORD
            - L'accord dans le syntagme nominal     - L'appartenance     - La destination     - La possession
        o LE GENITIF REGI ET LA NOMINALISATION
        o GENITIF OBJECTIF ET GENITIF DE BUT
   • La coordination
 2-D - NEGATION ET PROHIBITION   / 2-E - INTERROGATION   / 2-F - ORDRE DES MOTS

A - LA RECONSTRUCTION DE LA SYNTAXE

Syntagme nominal et syntagme verbal s'expliquant surtout par la syntaxe casuelle, on confrontera donc les emplois des cas dans les diverses langues indo-européennes pour regrouper les emplois communs, donc hérités.

Pour les emplois qui n'apparaissent que dans une ou autre langue, il faut essayer de les comprendre par des développements particuliers. Les langues qui ont conservé l'effectif, casuel probable de l'indo-européen d'origine - effectif plus riche que celui attesté par les langues dérivées - seront d'un précieux secours. C'est le cas de l'euskera, qui, face aux réductions syncrétiques du latin et du grec, offre une gamme plus large : pour le nominatif grec on a eu l'ergatif et l'absolutif en euskera ; face à un génitif on en a au moins deux formellement, trois quant à l'emploi ; pour l'ablatif plusieurs autres,... plus anciens datif-locatif, etc.
  En réalité, à quelques cas de syncrétisme près, l'i.-e. aurait conservé un emploi stable des cas. La reconstruction se fait donc en superposant les faits identiques, cas par cas : nominatif-ergatif pour le sujet, génitif pour le complément de nom, antéposition du déterminant, etc.
  Pour dégager les états anciens de la syntaxe on recourt à la reconstruction interne qui découle de l'analyse de la morphologie. Celle-ci véhicule souvent, comme on l'a vu supra, les vestiges d'emplois disparus, et indique les structures très anciennes, parfois de chronologie différente : bsq. AURTEN
« cette année-ci » et EGUN « aujourd'hui » pourraient peut-être dénoncer des périodes syntaxiques différentes. La typologie des langues peut offrir des indices, amorcer des pistes de recherche, à condition de ne pas en faire un absolu. Il y a des structures allant toujours ensemble, d'autres qui s'excluent. On a ainsi dégagé des universaux d'implication qui orientent la reconstruction interne en traçant en pointillés la route à suivre.

D'autre part la sémantique générative a permis de se libérer de l'idée fausse de l'unicité du signifié grammatical, en particulier du signifié casuel. Les particules de phrase, les morphèmes grammaticaux et leurs emplois ont un contenu sémantique et même lexical. Cela pouvant aller même jusqu'à l'interprétabilité de certaines désinences casuelles (A. MARTINET, Évolution des langues, en propose pour l'ergatif, la marque d'accusatif, etc.). La préposition latine // “du haut de” français /de/ “préposition grammaticale génitive”, et cela correspond seulement à un moment du processus de renouvellement formel du génitif latin.

L'évolution a pour direction générale d'aller du concret et du lexical à l'abstrait et au grammatical. Bsq. /MIN/ « douleur, chagrin, peine, souci » lat. mens, memini, etc. composé MINBERA « douloureux, sensible, qui fait mal » remember, memor.
 
B - L'ACCORD

INDO-EUROPEEN
EUSKARA
Le prédicat nominal ou verbal s'accorde en  
nombre avec le sujet. Le prédicat adjectif nominal s'accorde en genre, mais :
• quand le sujet est un neutre pluriel, c'est à dire un collectif, le prédicat s'accorde à l'origine au singulier.

 



• l'adjectif prédicat peut toujours se mettre
au neutre, lat. triste lupus stabulis “le loup est funeste pour les étables”.

• L'accord peut obéir au sens: sujet singulier exprimant une pluralité, le prédicat sera au  
pluriel.
• Si le sujet est un syntagme de substantifs de genres diférents, l'accord se fait au neutre pluriel.
Le prédicat nominal ou verbal s'accorde en nombre avec :
Le sujet : DUT “je l'ai”
L'objet patient : DIZ-KIOT “je les lui ai”
DIZ-KIET “je les leur ai”
  Le pronom objet est agglutiné au verbe et explique en partie le système : je garde les vaches ð je les garde les vaches.
L'allocutaire : DIZKIEZUT “je vous les leur ai”.

Il n'y a pas de genre, donc pas de neutre non plus, mais un singulier s'emploie pour certains collectifs, comme le français : “le français est râleur” ou “souvent femme varie...”

Le sujet à l'indéfini exige le prédicat au singulier : EHUN LAGUN JIN DA “il est venu cent personnes”, GIZON ZONBEIT BAZEN “il y avait quelques hommes”.
Cette syntaxe est en cours de dégradation.
 
C - LA SYNTAXE ET LES FONCTIONS

En synchronie, les fonctions des cas sont assez claires, distinctes entre les cas ; mais en diachronie il n'en va pas toujours aussi simplement ; les rôles des cas peuvent avoir subi des modifications : voir supra l'analyse d'André MARTINET sur les effets de la perte de l'ergatif sur les rôles et les formes des autres désinences dans les langues indo-européennes.

1 - LES DEUX TYPES DE LA PHRASE SIMPLE

La phrase verbale, avec verbe à désinences personnelles, peut se combiner avec toutes les fonctions casuelles.

La phrase nominale indo-européenne n'a pas la fonction objet direct, mais des compléments du nom.

En euskera, la phrase nominale à sujet à l'ergatif peut avoir la fonction objet direct car l'ergatif permet d'élider, en apparence, le verbe. Celui-ci est implicite : GERRI HUTSAK BEHARRIRIK EZ “ventre vide (n'a) pas d'oreilles”, comme en français “ciel pommelé et femme fardée même durée”.
 
2 - LE SUJET

Dans les langues indo-européennes il existe une fonction sujet, exprimée au nominatif, c'est l'actant “dont on parle” et, théoriquement, le constituant non soumis à l'accord à la rection. Des verbes impersonnels ont près d'eux un “premier actant” à un cas autre que le nominatif ; lat. mihi placet, tibi libet, datif ; me miseret, accusatif ; interest meī, quid fiet illā fidicinā, instrumental.
  Ces emplois suggèrent qu'il a pu exister plusieurs types de fonction-sujet en i.-e., qu'il n'est pas possible de reconstruire par insuffisance d'exemples. Toutefois, on sait aujourd'hui qu'il a eu, comme actuellement en euskera, une fonction-sujet ergatif, marqué /s/ et une fonction-sujet absolutif sans désinence (voir supra, la flexion nominale).
  En euskera, la désinence d'ergatif /-K/marque l'initiateur de l'action ; le thème nu absolutif recouvre une fonction sujet de verbes intransitifs et une fonction objet-patient. La grammaire de P. Lafitte désigne ce thème nu à double fonction “nominatif”. Il existe des prédicats dont le sujet n'appelle pas obligatoirement une marque spécifique d'ergatif, braire et âne, par exemple, feu et brûler, eau et couler, etc. De sorte que thème nu et thème à désinence d'ergatif se sont confondus pour devenir le nominatif asyntaxique. Ce qui entraînait la nécésité de marquer la fonction objet-patient, et c'est la désinence d'accusatif qui se crée « par une forme allative en /-m/ » A. MARTINET, Évolution, 103, comme l'emploi castillan de la préposition allative /a/ qui marque l'objet animé patient.
  La permanence de l'ergatif en euskera s'expliquerait, partiellement du moins, par le polymorphisme désinentiel du verbe, qui peut intégrer régulièrement jusqu'à quatre partenaires du procès, au prix d'une « perte d'économie » estimait M. ALLIERES, Université de Toulouse le Mirailh, pensant à « je les ai gardées les vaches » ou « je la leur ai dite la vérité », mais les fonctions spécifiques des actants y sont si bien soulignées que la confusion entre ergatif et absolutif s'en trouve entravée, nous semble-t-il. L'inverse a pu agir également ; l'hésitation planant sur les divers types de fonction-sujet dans certains contextes, évoqués ci-dessus, a contraint la langue à maintenir la clarté, au prix d'une certaine redondance de la flexion verbale. Oralité et redondance, pédagogie et intensivité vont de pair. Ces redoublements multiples sont communs aux langues indo-européennes, ainsi de l'“inflation” de préverbations et de marques génériques du latin et du grec ; c'est sans doute le prix de la précision et de la clarté exigées par l'intensification de la communication dans des sociétés urbanisées et de plus en plus étroitement administrées.
 
3 - L'OBJET

À part certains verbes in datifs (lat. noceō alicuī “je nuis à quelqu'un”), l'objet-patient est à l'accusatif dans les langues dites justement “accusatives”, soit la totalité des langues indo-européennes. Mais d'après C. TCHEKHOFF, Au fond de la syntaxe l'ergatif, préfacé par A. MARTINET, la moitié des quelques six milles langues du monde étant de type ergatif complètement ou partiellement, le marquage ou le non marquage de l'objet par une désinence d'accusatif est à prendre en compte. Nous n'aborderons pas les débats extrêmement pointus qui font les délices de nombre de linguistes sur l'ergativité, l'inergativité, les locutions à objet intégré au verbe (LOKARTU “s'endormir”, MINARTU “se blesser”, etc.) ou non intégré, etc. On s'en tient ici aux grandes lignes classiques.
  L'accusatif latin a d'autres valeurs que de marquer le patient du prédicat ; par exemple la valeur directive, eō Rōmam “je vais à Rome” que le basque exprime par l'adlatif ERROMA-R-AT NOA ; la valeur extensive, lat. fossa trēs pedēs alta “une fosse profonde de trois pieds”. Ce seraient les emplois les plus anciens, puisque résiduels, et l'emploi comme cas de l'objet en serait issu. L'extensif peut être le substitut de l'instrumental, cf. bsq. HIRU ZEHE(Z) BARNA [profond de 3 empans], thème nu et thème marqué /-Z/. Certains accusatifs d'objet ne peuvent entrer dans aucune des deux valeurs : gr. βάλλειν λιθον (ballein lithon) “lancer une pierre” [cf. bsq. HARBAILA/HABELA “fronde lance-pierre” = gr. λιθοϐολος (lithobolos)], mais βάλλειν τινά (ballein tina) “atteindre (blesser) quelqu'un”, mais d'une expression à l'autre le sémantisme du verbe a varié : l'extensif est entré dans le verbe. Ainsi a-t-on pensé que l'accusatif d'objet procédait de la grammaticalisation d'un directif ou d'un extensif. C'est ce que suggérait l'emploi castillan de la préposition /a/ pour les animés objets. L'euskera, quant à lui, maitient le thème nu (le nominatif de P. LAFITTE) pour l'objet du prédicat verbal, et le génitif pour le prédicat nominal extrêmement étendu dans la langue parlée (BN).
 
4 - LES COMPLEMENTS CIRCONSTANCIELS
4.a
- LES COMPLEMENTS CIRCONSTANCIELS : L'INSTRUMENTAL

INDO-EUROPEEN
EUSKARA
Beaucoup des emplois de l'instrumental relevant de la valeur possessive de ce cas, il désigne la personne ou la chose en contact avec le sujet, éventuellement utilisé par lui ; de là découlent les emplois ...

  Comitatifs
  Médiatifs
  Agentifs
  Instrumentaux

... et la “forme d'apparition” ; découlent également de cet emploi celui d'apposition et d'attribut (balt., sl. lit.)

 

 

 

Une valeur “entre”, “parmi” apparaît au pluriel :
R. V. “parmi les A., il est le plus A.”
On retrouve une diversité analogue d'emplois de l'instrumental en basque.
Locatif : temporel : GAUAZ “de nuit”
spatial : TOKIZ ALDA
“changer de lieu”
Comitatif : ESKUZ-ESKU “main dans la main”
Médiatif : ZUREZ “en bois”
Agentif : BEREZ “par lui-même”, AUZOZ “par ses voisins” ; aussi participe du comitatif
Instru-mental : AITZURREZ “à la pioche”

Il peut parfois commuter avec l'ergatif marquant les inanimés principalement : BELARREZ ITHOA “étouffé par les herbes” plutôt que BELARREK ITHOA.
o La “forme d'apparition” : instrumental qui se réfère à un verbe implicite : SERRORAZ AGERTU ZEN “il se montra (habillé, déguisé) en religieuse”.
o Apposition-attribut : URRUNEKO ELTZEA URREZ ETXERAT DENEKO LURREZ “de loin, vase d'or, arrivé à la maison (il est) de terre”.
o Valeur superlative d'extraction : HANDIZ HANDIENA DA “de grand, il est le plus grand = il est le plus grand d'entre les grands”
 
4.b
- LES COMPLEMENTS CIRCONSTANCIELS : LE DATIF

INDO-EUROPEEN
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Le datif, comme le subjonctif, exprime un rapport prospectif : le bénéficiaire ou la victime du procès sur la base personnelle est au datif.            

Sur nom de choses, désigne le but,
la destination : lat. opercula dōlūs “des
couvercles pour les tonneaux”                  

 

Le datif indo-européen est
morphologiquement lié au locatif.              


AITARI ESKATU DIOT “j'ai demandé à mon père”, ODOLA EGIN DIOT BILDOTSARI “j'ai fait le sang à l'agneau” = “j'ai saigné l'agneau”.

MIHIAK GARIER “(mettre) des brelans aux clochettre”. Mais “j'ai apporté des brelans pour les clochettes” ð JOARENTZAT (prolatif) qui s'oppose à XABINARI (datif) PANPIÑA EROSI DIOT “j'ai acheté une poupée à (pour) Sabine”, animé.

Des traces de locatif (désinence /I/, comme le datif) subsistent dans des noms, adjectifs et adverbes : GARAI, th. I, “en haut”, “surplus”; GIRI “œustrus de la jument” ; GURI “crême de lait, beurre” ; mais plus souvent agglutiné à des désinences d'inessif, d'élatif, de partitif : GARAI-T-IKO “le reste, l'en plus”, etc. ; GARAIN-DI “dépassant, surpassant” ; cf. lat., th. II, grandis et gradus “pas pour gravir une échelle”.

Bsq. GARAIEN, superlatif, “le plus haut”, l'aîné” et gr. kreiōn (th. II) “maître, souverain”, krainō “s'achever”, keránnumi “mélanger” et “ajouter”, etc.
 
4.c
- LES COMPLEMENTS CIRCONSTANCIELS : LE SYSTEME DES CAS LOCAUX

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Les cas locaux sont les locatif, accusatif,
ablatif et instrumental.
Ø Les locatif, inessif et illatif indiquent une    
valeur directive rendue par l'accusatif en latin.



Véd. diví/dyā́m gacchati “il va au ciel”.          



Ø L'accusatif directif a été concurrencé        
par un cas spécialisé dans cette valeur :
Latin quō, désinence propre en hittite.


Ø L'ablatif i.-e. a les valeurs ablative              
ab ») et élative (« ex »)

Ø L'instrumental a la valeur perlative, latin      
eō viā sacrā “je vais par la voie sacrée”.



Suivant les langues, cet emploi se limite aux  
noms de “chemins, ponts et autres moyens
de passage”.



Peut s'étendre à l'ensemble des                  
substantifs spatiaux : “voler dans l'air”
ï véd. antárikṣeṇa pat-.

Il voisine ici l'accusatif extensif, cf. latin          
fossa decem pedēs alta “un fossé profond
de dix pieds”.




Latin regnāvit trīgintā annos “il a régné trente ans”.


Ces cas sont nettement distincts en principe : ZOAZ GOITI “va en haut”, ETHOR BEHEITI “viens en bas”, locatif pur, mais la tendance est à l'agglutination et à la sur-déclinaison *GOITAN, incorrect, mais s'entend et s'écrit.
Adlatif : ZERURAT GAKI DA “il va au ciel”, adlatif ; ZERUAN SARTU DA “il est entré au ciel”, inessif-illatif.

Destinatif : combinaison adlatif et génitif de but : ETXE-RA-KO “pour (être amené à) la maison”, ETXEKO “pour la maison”, génitif de but.
NUN-GO = “d'où”et “pour où”

Elatif : ETXE-T-IK (= lat. « ex »), cf. ADIOS ERRAN GABE ETXETIK ALDATUA “partie de la maison sans dire adieu”.
Peut être rendu par :
1) l'élatif : ORGABIDETIK “par la voie carossable”,
2) l'instrumental : ELIZABIDEZ “par le chemin rituel”
Instrumental plus large : ASTOZ “à dos d'âne”, ZALDIZ “à cheval”, ONTZIZ “par bateau” ; HORTZEZ TA HAGINEZ “par tous les moyens”, litt. “avec les dents et les molaires” ; OIHUZ ALA JOZ “à coups ou à cris”.

L'itératif en /-KA/ peut prendre la valeur équivalente : OTHOIZKA ALA OIHUKA “par prières comme par cris”

L'absolutif (thème nu pouvant exprimer l'accusatif) ZEHE BAT ELHUR “une main de neige”, BI GIZABETE BARNA “profond de deux statures d'homme”.
L'instrumental peut aussi s'employer à même valeur.

Absolutif et instrumental.
 
4.d
- LES COMPLEMENTS CIRCONSTANCIELS : L'EMPLOI “CIRCONSTANCIEL” DE L'ADJECTIF

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L'adjectif épithète peut, à date ancienne et en poésie, avoir la valeur d'un complément circonstanciel, c'est à dire exprimer non une
qualité de son déterminé, mais une circonstance du procès, cf. latin ībant obscūrī (Virgile)          
“ils allaient dans l'obscurité”.

  Ce procédé s'expliquerait à partir de syntagmes constitués d'une forme de locatif suivie du pronom /*o/ ; Cf. grec homérique ἑσπέριος (ἦλθε) ï *wespei os “lui, le soir (il vint)”.        




Emploi régulier où l'adjectif prend valeur adverbiale ou circonstancielle : TRIXTE BIZI NAIZ “triste(ment) je vis”, JAIAK GOIBEL (sombre) IGARAN “les fêtes se sont passées dans une sombre ambiance”.

BERANTA HELDU ZEN “il arriva tard”, /A/ final est un anaphorique-article défini = BERANDU-TA “lui retardé il vint”.
Mais BERANT HELDU ZEN se dit également, où BERANT est adverbe.
 
4.e
- LES COMPLEMENTS CIRCONSTANCIELS : LE SYNTAGME NOMINAL ET SON ACCORD
4.e-1 - L'ACCORD DANS LE SYNTAGME NOMINAL

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Un substantif peut être déterminé par :
  • Un adjectif accordé (cas, genre, nombre),
  • Un substantif apposé, accordé (cas),
  • Un substantif au génitif, datif, instrumental,
Signifiant respectivement l'appartenance, la destination et la possession.

L'ACCORD DANS LE SYNTAGME NOMINAL
est un fait récent en indo-européen,            
l'état antérieur a laissé des vestiges, cf. véd. návyo vacasa et de nombreuses exceptions en témoignent.
 
L'accord en genre est limité en indo-            
européen parce que le masculin et le féminin
ont la même marque pour certains adjectifs.
Le latin n'a de distinction que dans les adjectifs
de la première classe.
En indo-iran., les parties anciennes du R̥gveda
ont la forme non marquée, apa̍d- “sans pieds”
pour le féminin, alors que les parties récentes
ont apa̍dī, forme marquée.


En indo-européen le neutre est toujours
distinct des autres genres par le fait d'avoir la même marque au nominatif et l'accusatif.      
 
En euskera l'accord en cas et en nombre se fait uniquement au dernier terme du groupe nominal, ce cas est une postposition Affectant tous les éléments du groupe en une seule fois. Le castillan en a hérité un vestige dans la suffixation adverbiale qui ne s'opère que sur le dernier terme d'une suite de qualificatifs.

Le basque n'a pas de genre et c'était le cas de l'indo-européen également : on disait bos más “taureau”, soit hittite “bovin mâle”, comme l'euskera dit OIL-ANDA “volaille femelle” = “poularde” et OIL-AR “volaille mâle” = coq”, ERL-ANDERE “abeille dame = “reine”, ERL-AHARI “abeille mâle” = “bourdon”.
Donc pas d'accord de genre.
On retrouve ici, avec l'ex “exotisme” de l'ergatif, une autre “bizarrerie” du bsq., l'absence de genre qui atteste de la “normalité” indo-européenne de l'euskera.

C'est le cas de l'absolutif en euskera, qu'on ne peut dénomer “neutre” puisqu'il affecte tous les substantifs, adjectifs et noms verbaux.
 
4.e-2 - L'APPARTENANCE

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L'APPARTENANCE se marque par un génitif,    
cf. latin domus patri “maison du père”, et par les adjectifs dérivés du génitif, cf. lat. domus patria, domus mea “ma maison”. Ce second type étant le plus ancien d'après WACKERNAGEL, Genitiv und Adjectiv, F. de SAUSSURE, Mélanges, 1908, p. 128-152.
 
E. BENVÉNISTE explique (Origines, 129 et sq.)
les infinitifs grecs en /-εν/ /-εναι/ sur nom verbal. /*-en/ dénote le “cas indéfini” qui syntaxiquement peut à l'occasion recouvrir le locatif historique [bsq. inessif-locatif] mais qui assume également le rôle de plusieurs autres cas. Coexistence en véd. de áher et áhan “de jour”.  

Infinitifs en /-εν/ et additionné de la désinence de datif, /en/ fait une particule de phrase ( optatif)- ont valeur de “pétition”, exhortative, qui explique bien pourquoi la même forme vaut impératif :    
lat. agī, skr. d̥rsé, bhuvé, avest. pōi, gr. γράψαι (grapsai), δεῖξαι (deîxai).
Lat. uir occidendus “homme à tuer, qui sera tué”
= gr. *ανὴρ του φονεύειν (anēr tou phoneuein), bsq. GIZON EHONENDAKOA (S) ou EHAINENDAKOA “l'homme qui sera tué”.
Génitif de bsq. en /-EN/ d'appartenance se retrouve dans toute l'aire indo-européenne, du lat. iecur “foie” iecin(or)is, ou de iter, itineris et homo, hominis, à skr. yak̥rt “foie”, génitif yaknáh (Bvn., Origines, 186).
  L'avenir est perçu comme appartenant au présent. La marque de futur de bsq. est la désinence de génitif /-en/ (/-KO/ dans les dialectes méridionaux), le nom verbal désinencé en /-EN/-KO/ futur. Il en va exactement de même dans les gérondifs latins /-ndus/, cf. res lætanda “chose liée au fait de se réjouir”, historia legenda “histoire soumise au fait de lire” ð “à lire”, iūs iurandum “formule rituelle où est impliqué le fait de prononcer rituellement” (Bvn. Origines, 136). Res non contemnenda “chose qui n'est pas à mépriser”. Lat. edendus, selon les contextes, “qui sera mangé”, “qui doit être mangé”, “qui est propre à être mangé”.

Bsq. GAUR et EGUN “aujourd'hui”.




Radical nu ð impératif impersonnel.


Quant aux adjectifs et aux féminins formés par la désinence du génitif possessif (cf. supra), Bvn. en fait une analyse dans Origines, 177-177.
Bsq. ASTO “âne” génitif ASTAINA “ânesse”, lat. rēx regīna, skr. raj ð rajna. Bsq. OIHU “appel, plainte” AUHEN “désir, lamentation” ð lat. Venus, venenum “philtre, charme”.
 
4.e-3 - LA DESTINATION

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LA DESTINATION s'exprime par le datif sur    
base nominale, cf. lat. opercula dōlūs “des couvercles pour les tonneaux”.

Sur la base verbale, la destination s'exprime      
par des adjectifs prospectifs (gérondif, participe futur), cf. lat. ager colendus “champ à cultiver”
et qui morituri te salutant “ceux destinés à mourir te saluent”.
(cf. supra) : destinatif (adlatif-génitif de but)
datif proprement dit GARER(I) MIHIAK.


Le futur en /-en/ sur nom verbal + auxiliaire.

Les adjectifs verbaux (S) EGIN-EN-GO-A “ce qui sera fait, l'à faire”, le premier génitif /-EN/ confère l'aspect du futur, le deuxième génitif /-KO/ confère le but, la destination.
 
4.e-4 - LA POSSESSION

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LA POSSESSION s'exprime par l'instrumental,  
qui concurrence le composé possessif, cf. lat. vir magnō animō/vir magnanimus “un homme de grand caractère”, et par l'adjectif dérivé de possession, lat. vir animosus “homme de caractère”.
 
Un suffixe indo-européen /*-kwo/*-o/*-yo/    
/*-to/ apporte au syntagme nominal une information nouvelle, tandis que la forme qui en est dépourvue la présente comme un fait connu. Faits marqués en sl., balt. et peut-être à l'intérieur de la flexion forte du germanique. La flexion dite “longue” est issue de relatives formelles.          


Les formes courtes tendent vers le statut de  
composés.
C'est la préfiguration de la distinction entre “défini” (déjà connu) et “indéfini” (non encore mentionné) qui s'exprime ultérieurement
par les articles préfixés ou suffixés.                
LA POSSESSION s'exprime par :
  le génitif d'origine-appartenance GOGO HANDIKO GIZONA “un homme de grand caractère”,
  l'adjectif dérivé, GIZON GOGOTSUA “homme de caractère”,
  la simple justaposition des termes, sans marqueur, BORROKA-GIZON “homme de guerre”, PLAZA-GIZON “homme de public, avenant”, ELIZA-GIZON “homme d'église”, etc.

Semble correspondre à /-KO/ de génitif d'origine-appartenance (à distinguer de /-KO/ de but, cf. anglais to).



Bsq. EGINENGO-A (/A/ relatif anaphorique) sur flexion deux fois désinencée (longue).

PLAZA-GIZON




suffixés
 
4.f - LES COMPLEMENTS CIRCONSTANCIELS : LE GENITIF REGI ET LA NOMINALISATION

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Le déterminé du syntagme nominal peut imposer sa propre relation, impliqué par son contenu sémantique : “père” ð détermination “père de”, relation de paternité.

Les substantifs dérivés d'action et les désadjec-tivaux impliquent une détermination à valeur subjective, leur verbe base ou syntagme verbal veut un sujet.

L'expression de ce déterminant est, semble-t-il, le génitif et l'ablatif lui correspondant, cf. lat. metus hostium, metus hostīlis “la crainte des ennemis” ; c'est une nominalisation de hōstes metuunt “les ennemis craignent” ou de metu hostīs “craindre les ennemis” ; pulchritūdo rosæ “la beauté de la rose” = rosa pulchra est “la rose est belle”.
 
La relation déterminant-déterminé peut être marquée par :
  le génitif explicite : ERORTZEKO (génitif de but) BELDURRA “la peur de tomber”, JAINKOAREN (génitif d'appartenance) BELDURRA “la crainte de Dieu”,
  juxtaposition sans désinence : EROR BELDURRA “la peur de tomber”, JAINKO BELDURRA “la crainte de Dieu”. Ce cas peut s'interpréter comme celui des désadjectivaux, puisque comme syntagme en voie de composition nominale, n'importe quel substantif ou verbe peut prendre le caratère d'adjectif sans suffixe spécial : GIZA-SEME “humain” = “fils d'homme”, EMAKUME “femme, féminin” = “fille de femme”, GIZOTSO “loup garou”. JAINKO BELDUR “crainte divine”.
 
4.g - LES COMPLEMENTS CIRCONSTANCIELS : GENITIF OBJECTIF ET GENITIF DE BUT

INDO-EUROPEEN
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Le génitif objectif pose probème : invoquer un “génitif de transposition” pour l'expliquer          
revient à projeter dans l'indo-européen un mécanisme constaté dans les langues indo-européennes, mais sans en clarifier la genèse

Le génitif objectif reposerait, en grec, sur le    
génitif de but avec les verbes “viser”, “atteindre, désirer”, etc.

La transposition est courante : ZOZOARENA EGIN “faire (le coup du) naïf”, c'est l'expression de la simulation.


Génitif de but : UDAN NEGUKO, NEGUAN UDAKO “en été pour l'hiver, en hiver pour l'été” (dicton) = prévoir, anticiper.
ARNOA ETXEKO “le vin pour la maison”.

Génitif d'origine, de provenance : ETXEKO ARNOA ou ARNO ETXEKOA “le vin (élaboré) à la maison”, déterminant /A/“qui”.
Formellement, il n'y a pas de différence désinencielle. Seule la permutabilité du syntagme ETXEKO ARNOA en désadjectival ETXE ARNO permet de distinguer les deux génitifs, pour le non familier de la langue.
Des désinences supplémentaires permettent le lever l'ambiguité, infixées avant le /-KO/ :
  o ETXEARAKO, adlatif + /-KO/ “destiné pour la maison” et c'est le cas dit destinatif ;
  o ETXETIKO, élatif + /-KO/ “en provenance de la maison”, c'est le cas dit parfois “proventif”.
 
5 - LA COORDINATION

Un mot, dit conjonction de coordination, relie deux mots qui sont en principe de même statut ou de même fonction dans la phrase. Mais également une unité (mot) et une proposition.

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Ø L'“asyndète” est l'absence de coordination  
copulative et s'emploie dans des groupes étroitement liés.


Ø Particule /*kwe/ postposée au second          
terme, le plus souvent, ou aux deux termes, cf. lat. SPQR : Senatus PopulusQue Romanus “le sénat et le peuple romains”, jus fasque “le droit humain et divin”, noctesque diesque “et les nuits et les jours”.
Parfois postposé au premier terme seulement quand un vocatif est coordonné à un nominatif, cf. R. V. Índras̋-ca Vāyo “Indra et toi ô Vayo”.

La valeur copulative d'une particule généralisante est issue de l'itération, /*kwe/... /*kwe/. De là l'emploi redoublé et l'emploi inverse : postposé au premier terme.
 
Ø La particule /*kwe/ a été concurrencée par  
diverses particules signifiant “aussi”, “encore”, cf. lat. /et/
 
Ø /*kwe/ a été aussi concurrencé par le          
syntagme nominal sociatif (à l'instrumental possessif) ou l'adjectif dérivé de possession, cf. véd. índro marúdbhiḥ ou índro marútvān.
 
Ø La coordination disjonctive est marquée par
/*-/, enclitique ;
renforcé (grec ἠϝέ).
 
Ø /*-/ a été remplacée par des particules    
non enclitiques comme lat. /aut/ “ou bien, ou” remplaçant /an/ dans la langue poplaire pour introduire le second membre de l'interrogation double (M. 61).

Forme ancienne italique *auti, ombr. ote,        
gr. αὖ-τε “de nouveau”.
Renforcement par /-em/ ð autem “d'autre part, or”.



Ø En indo-européen les deux principales          
particules coordinatives se combinent avec la négation, cf. lat. neque, neve, etc.
AIT-AMAK “père-mère” pour “père et mère”, JAN-EDAN “manger (et) boitre”, AMALABAK “mère (et) fille(s)”, DAL-ARRASTELU “faux (et) rateau”, NAUSI-MUTIL “maître (et) serviteur”, etc.

Le correspondant de ce /*kwe/ en euskera est /TA/ETA/, mais aussi /BAI/ “oui” et BAITARE ( BAI ETA ERE “oui et aussi”, BAITA ( BAI ETA “oui et”).
  o la postposition de lat. /que/ aux deux termes corrélés est rendue en basque par /BAI/ antéposé à chaque élément : BAI ETXEA BAI LURRAK “aussi bien la maison que les terres” (saisies) = “et la maison et les terres”, c'est donc l'itération.
  o /TA/ postposé à un nom sans explication d'éléments corrélés implique un groupe dont seul le chef de file est désigné (cf. supra) : XALBADOR-TA “Xalbador et (les bardes de son temps)”. La conjonction peut valoir un syntagme ou même une phrase.
  Par simplification, /TA/ en fin de phrase suggère un non-dit, un commentaire implicite que l'auditoire peut déduire, sans plus.

/ERE/BERE/ et /BE/ (B) “et aussi”, “de même” /BER/BERA/ “même”, “le même”, et pour /BE/ “comme”, et appuyé par /HALA/ “ainsi” BEZALA “tout comme”, le premier terme étant désinencé à l'instrumental /-Z/. ZERUAN BEZALA LURREAN ERE “sur la terre aussi tout comme au ciel” = “sur la terre comme au ciel”.

Le sociatif (ou l'unitif) rendu par les désinences /-KIN/ et /GAN/ (cf. supra) qui procèdent sns doute de la même forme d'origine [/GAIN/GAN/ GARAIN (cf. supra) valant peut-être grec κατα, gall. cant, v. irl. cẽt “avec”, Chtr. 505, véd. /-vān/ ?].
OGIA ARNOAREKIN “le pain avec le vin” = “le pain et le vin”. NABARRA... BEGO HIGAN ARBASOEN AMETS HURA “Navarre... que demeure avec toi le rêve de nos ancêtres” = “Demeurez Navarre toi et le rêve de nos ancêtre” (B. LERTXUNDI).

La disjonction a deux particules en euskera :
  o EDO “ou bien” marque de disjonction et d'alternatif “simple”,
  o ALA “ou bien”
1) marque d'adversatif : ZER DUK NAHIAGO, KAFEA ALA ARNOA ? “que préfère-tu, le café ou le vin ?”,
2) et marque d'équivalence, mais appuyée par un syntagme ou lexème d'équivalence : BERDIN TXARRAK DIRA BAT ALA BERTZEA “ils sont également mauvais l'un aussi bien que l'autre”
Cet /ALA/ bsq. évoque gr. ἄλλος (allos) “autre” marquant “l'altérité”, lat. alius, irl. aile, skr. anyá- (phonétique basque l/n).

La particule indo-européenne /*-/, gr. ἠε (ēwe) est issue -les formes homériques l'attestent-, de la particule affirmative //, lat. /-ue/ “vraiment”, qu'il faut rapprocher de bsq. BAI (cf. supra) “oui”.

Bsq. ALTA ï HALA TA “mais”, “par contre”, “cependant”, litt. “ainsi et”. AZKUEpues : donc; or : eh bien” ; absent chez LHANDE.
Cette particule est issue d'un syntagme qui recouvre lat. /aut/ (phonétiquement l/u).

La particule bsq. /OTE/ est spécialisée dans l'interrogation : JINEN OTE DA (?) “viendra-t-il” sous-entendu “ou bien pas...”, suivant l'orientation fréquentes des coordinants en euskera vers la litote, comme le français Est-ce une tare que d'être belle ?

La particule de négation /EZ/ antéposée avant chaque terme : EZ AITA EZ SEME “ni père, ni fils”, /EZ/ suffixé /TA/ EZ-TA (EZETA) en deuxième position : EZ AITA EZ-TA SEMEA “pas plus le père que le fils”, renforçable par l'addition de /ERE/ “aussi” = “non plus”.
 
D - LA NEGATION ET LA PROHIBITION

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Ø La particule de négation est /n(e)/,            
Ø qui donne des composés /*ŋ-/
Ø et la négation de phrase /*-/ ;



Ø /*-/ forme des séquences par agglutination avec :
• d'autres particules, cf. lat. ne-que “et ne... pas”,
• des substantifs ou des pronoms :
cf. lat. ne(h)emō ð nēmō “personne”            
 
lat. n-ūllus “nul” ï ne ūnus “pas un”                





lat. nam particule d'affirmation qui attire l'attention sur un fait “de fait, en vérite” et, emploi le plus fréquent, conjonction causale “car, en effet”.




Ø La prohibition s'exprime en indo-européen    
par une autre particule, /*mḗ/, impératif de /*meH1-/ “mesurer ?”, suivi du verbe à l'injonctif.
La particule correspondante est /E(Z)/ “non, ne”, réduite à /Z-/ devant un terme à initiale en /E-/ : EZ EGIN ZEGIN “ne pas faire, ne fais pas”, dans la prohibition notamment, mais dans des formes figées également ZEGARRI “non assoiffé, sobre” EZ EGARR-I (cf. EIHAR/IGAR “desséché, flétri”, et gr. ξηρος (xēros) “sec” et “le sec où s'échoue un bateau” ; cf. bsq. LEIHOR/LEGOR “sec, terre ferme, port”).

ENOR “personne” ; contaminé par le latin ? NEHOR “personne”. NOR “(une) personne, homme” étrusque NERO, anthroponyme, et
gr. ἀνήρ (anēr) “homme”.
E(Z)NOR/NEHOR, “personne” E(Z)NUN “nulle part”, E(Z)NOIZ “jamais” ; de NOR ? “qui ?”, NUN ? “où ?”, NOIZ ? “quand ?”. Il semble qu'il se soit produit une métathèse vocalique. Dès lors l'origine du /*-/ serait en question ï NEHUN, NEHOIZ, NEHOR ??

BATEREZ, BATREZ, BATEE “pas un” ;
BAÑOREE(Z) “id.” /BATÑO/ (diminutif) + /ERE(Z)/.

EZDEUS “nul”, litt. “ni rien”.
EZER “rien”, litt. “pas chose” ZER “chose” *ZE-(E)R ? Cf. lat. quā rē, litt. “par quelle chose”, à usage d'adverbe interrogatif “pourquoi ?” et d'adverbe causal “c'est pourquoi” et bsq. ZERGATIK “pourquoi ?”, ZEREN “car, parce que” avec désinence de génitif possessif /-EN/ en fonction de but ou d'adlatif.

/EZ/ZE/ + l'injonctif impersonnel = thème verbal nu.

“Mesure” se dit /NEUR/NEGUR/NEHUR/ ; c'est un nom-racine et verbe-racine à la fois. La forme évoquant bien NEGUR se trouve en hittite meḫur “temps, heure”, puis vient v. sl. mĕra “mesure”, skr. mā́tram “mesure”, gr. μέτρον (métron)... la permutation m/n serait dans l'air. Cf. lat. magis “plus”, magnus de *măg-yo-s “grand” et bsq. NAGUS-(I) “supérieur, maître”.
 
E - L'INTERROGATION

En indo-européen aussi bien qu'en euskera, les pronoms et adjectifs sont identiques aux indéfinis.

Pour l'indo-européen on ne restitue aucune marque de l'interrogation qui appelle une réponse par oui ou par non, pas plus que de telles formes de réponse. On pense que ce type d'interrogation devait être marqué par l'accent de phrase, comme c'est le cas en vieil indien : interrogatif = “?” et l'indéfini pas d'accent ; cf. gr. τίς = “qui ?” et l'indéfini τις “quelqu'un”. On ne sait comment se distinguait un énoncé tel que “Est-il venu quelqu'un ?” (J. HAUDRY).
Pour l'euskera, l'accent a un rôle essentiel dans l'interrogation. Bien qu'il y ait débat sur cette question, voici comment se fait l'accentuation interrogative dans le dialecte bas-navarrais (de l'auteur) :

1) À l'interrogation neutre, qui ne présume pas de réponse positive ou négative, l'accent se marque par une intonation finale descendante et un allongement par /-Ā/ du terme final de l'énoncé, qui est auxiliaire :
AITA IHIZIN DEĀ ? (ï DA BADA (?) = est peut-être) “père est-il à la chasse ?”
2) Á l'interrogation qui attend (sollicite) une réponse affirmative :

Même système qu'en 1), mais l'interrogateur s'impliquant comme destinataire parmi les partenaires du prédicat, introduit en plus, éventuellement, des circonstanciels d'encadrement valorisants pour l'interrogé :
NUN ZINEZTEN BARDA ERRANANEN DAUTAKĀ ? “me diras-tu où vous étiez hier au soir ?”
Question négative et intonation remontante, sans adjuvant, et léger abaissement final ou pas : EZ DAUTAK HURA ITHURRITIK EKARRIKO ? “tu ne m'apporteras pas de la fontaine l'eau ?”
3) L'énoncé type “Est-il venu quelqu'un ?” s'exprime par la forme de l'énoncé non interrogative, mais insérant la particule /OTE/ (voir supra) entre auxilié et auxiliaire :
NORBAIT JIN OTE DA ?
 
F - L'ORDRE DES MOTS

1 - L’ORDRE DES MOTS DANS LE SYNTAGME

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Ø La norme est que le déterminant précède le déterminé :
  o Adjectif qualificatif
  o Génitif d'appartenance
  o Adverbe



Ø L'adjectif postposé a valeur différenciatrice.    




Ø Par ailleurs, la postposition de l'adjectif est      
laussi e signe de son emploi en fonction de prédicat.
En règle générale :


L'adjectif suit son déterminé : ETXE XURI BAT “blanche maison une”, HAUR EDERRA “enfant le beau”.

Le génitif précède son déterminé : ARTZAINAREN XAKURRA “du berger le chien” ;
le génitif non désinencé, adjectif dénominatif, de même : ETXA-ZAINA “maison le gardien” (métayer).

L'adverbe peut précéder ou suivre son déterminé, mais s'il est placé après son déterminé, il vise l'emphase plutôt.

La postposition de l'adjectif ou du génitif possessif, déterminé dans ce cas par l'article, vise la valeur différenciatrice : DIRUA MAILAGATU DIOT, NEUREA “l'argent prêté je lui ai, le mien”.

Postposé l'adjectif peut avoir une fonction de prédicat : ASTOARI EDER XOKOLATEA “à lâne (semble) beau le chocolat”, BERRIARKIN MURRITZ “avec la nouvelle (en apprenant la nouvelle) renfrogné” = “il se renfrogna en apprenant la nouvelle”.

2 - L’ORDRE DES MOTS DANS DANS LA PHRASE

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La règle la plus connue est celle de la remontée des formes atones en seconde position. Le verbe personnel atone est en seconde position, précédé de son objet, R. V. Agním īḷe puróhitam “je vénère Agim le chapelain”.
  En phrase subordonnée le verbe, tonique, se place souvent à la fin, suivi éventuellement des éléments énonçant un procès ultérieur (datifs finaux) :
  1. le sujet est en principe toujours en tête,
  2. les circonstants ensuite,
  3. les actants
  4. objet à l'accusatif en dernier.

  Dans l'hypothèse d'un sujet origine [ergatif] /*-s/ de nominatif animé apparenté à la désinence de génitif-ablatif /*-e/os/, l'ordre est chronologique :
  2. l'origine,
  3. les circonstants,
  4. le procès,
  5. le terme du procès,
  6. le conséquences du procès.

Sans être une règle absolue, la construction la plus courante est O.V.S., l'objet et son syntagme d'abord, le verbe en second lieu, le sujet à la fin. Mais les besoins de la rhétorique et de l'expressivité font souvent apparaître la catégorie porteuse du concept que l'on veut souligner en première position ; comme dans cette pensée de Pacal « le nez de Cléopâtre s'il eut été plus long, la face du monde en eut été changé ».

Le sujet à l'ergatif tend à apparaître en tête, puis l'objet et les circonstants, enfin le procès. Mais le sujet ergatif peut s'insérer n'importe où, suivant les exigences de la clarté de l'énoncé, et même, ne pas paraître, si le contexte autorise de le supposer par récurrence : la transitivité réelle du verbe (un transitif peut intégrer dans sa verbalité un objet et n'être plus transitif : HITZ-EGIN “parler”, LO-EGIN “dormir”, intransitifs).
 
 
Suite de la partie III
[Syntaxe] : SYNTAXE DE LA PHRASE COMPLEXE