AUR, (H)AUR-, AURRE, UR “devant,
ici, près, avant, l'avant” ; AURREKO, AURKO “d'avant”,
“guide, chef, conducteur, notable, etc.”
Cf. gr. δευ̑ρο
(deȗro) “ici” ; CHANTRAINE. 267 : « semble
s'employer originellement en contexte exprimant le mouvement. »
; bsq. HOR “là” ; all. ur-
“proto/premier, originel”, lit. aurē,
avest. avarə “ici”,
arm. ur de /*ure/,
ombr. uru, /ur-/
“proto/premier, originel”, lat. prae
(ancien prai) “en avant, devant”
espace-temps. Chtr. 267, le premier élément /-δε-/
de δευ̑ρο
est « clairement la particule lative.
La question se pose de savoir s'il faut poser *δε-υρο
[de-uro] ou δε-αυρο
[de-auro] » .
De nombreux dérivés bsq. : AURKI “en
face”, “endroit” en oppostion à envers, AURKIN
“rencontre, occasion”, AURKO/AURREKO (génitif)
“chef, conducteur, guide, etc...”, synonyme AINTZINDARI
“officier (militaire)”, “devancier, initiateur, etc...”,
AGINDARI/AGINTARI “chef, donneur d’ordre”,
“dirigeant, responsable, commandeur”, BURUZAGI “chef,
commandant, dirigeant, supérieur”.
Cf. gr. ἄρχω,
ἀρχή, ἀρχός
(árkhō, arkhḗ, arkhós), Chtr. 119 : « marcher
le premier, faire le premier, prendre l'initiative de, commencer»
; ἄρχειν
(árkhein) “commander”, ἀρχός
(arkhós) “chef” et nombreux composés : μοναρχία
(monarkhia), ὀλιγαρχία
(oligarkhia), ἀρχαῖος
(arkhaĩos) “antique, qui se rapporte aux origines”, ἀρχεῖα
(arkheĩa) “archives”, ἀρχέτας
(arkhétas) “prince”, “de prince” ; à
partir de ἀρχή,
à deux séries d'emplois, “commencer” et “commander”
on a ἄργματα
(argmenta) “prémices” et ἀρχή
(arkhḗ) “pouvoir, autorité, magistrature”. Pour
Chtr., 121 : « il faut donc trouver, comme étymologie, un
thème ou une racine se rapportant à la notion de faire le
premier ou marcher le premier. À l'intérieur du grec on
a rapproché ὄρχαμοσ
(órkhamos), ce qui n'avance guère et reste douteux. Hypothèses
sans valeur chez BOISACQ et SCHWYSER, Gr. Gr. 1, 685, n.
4 ».
Nous proposons AUR-KO “d'avant”, /-KO/
désinence
de génitif
d'origine, comme point de départ de tout le système.
Et génitif de but équivalent de angl.-sax. to.
Lat. rex, -gis
de /*rēg-/ “roi”,
la forme verbale du véd. rāṣṭi,
skr. rāj-, gén. rājñaḥ,
rajñi, lat. regina
“reine”, dont la similitude de la désinence de génitif
de possession avec l’euskera est frappante (cf. gr. λυκαινα
(lukaina) “louve”, ὑδίνα
(ϝ/hudína) de ὑδίον
(ϝ/hudíon) (Chtr., Formation,
108-109), et ὕαινα
(ϝ/húaina) “truie”, bsq.
ASTAINA “anesse”, etc), ont sans doute la même
base AUR-KO/AURRE-KO. Bvn., Origines, 178 : « Nous
ramenons à l'unité cette double fonction [...] Génitif
et féminin sont des modalités de la notion d'appartenance.
» et une forme, comme irl. rif
“roi” et rigain “reine”,
nous restitue, au détour, des formes flexionnelles archaïques
du bsq., dont la flexion moderne littéraire est ERREGE-REN,
mais qui conserve le dialectal (BN) ERREGEIN/ERREGIAIN
comme irl. rigain. La réduction-contraction
des formes i.-e. en regard des formes bsq. est régulière
: bsq. AURREKO
/*rēg-/ ; *BER-AITAR
(I) “même père géniteur” et
donc “frère”, qui a donné gr. φρἀτηρ
(phráter), skr. bhrátár-,
v. pers. brāta, got. bróþar,
v. irl. brathir, lat. frater,
v. pers. , terme considéré longtemps sans étymologie
et que J. L. PERPILLOU, SMEA 25, 1984, 205-20, a déterminé
ainsi « dans son principe interne de parenté, quels que soient
les renouvellements intervenus dans la désignation : des syntagmes
*φράτηρ,
ὁμοπατωρ
[phráter, homopatōr] (cf. v. pers. brāta
... hamāta, hamapitā “frère... (de)
même mére (et) même père”) affleurent
encore en Attique et à Gortyne ». Pierre CHANTRAINE,
Dictionnaire étymologique du Grec classique, 1440.
E. BENVENISTE, Institutions i.-e., 2, 11 et sq.,
a étudié soigneusement la question de lat. rěgo
et gr. ὀ-ρέγ-ω
(o-rég-ō) : « le /o/
initial de gr. peut-il se justifier ? Ce détail n'est pas insignifiant.
Il intéresse la morphologie
la plus ancienne de l'i.-e. » et de traiter par le détail
les relations en i.-e. du /r/
et du /l/, la “prothèse”
/o/ de gr. ὀ-ρέγ-ω
(o-rég-ō) etc. Op. cité, p. 12 « qu'en
est-il en i.-e. ? Le système commun possède bien deux phonèmes
/r/ et /l/,
avec valeur fonctionnelle d'ailleurs inégale : /r/,
en général, est d'emploi plus fréquent, plus varié
que /l/. Mais tous les deux
existaient dès l'époque commune, bien que /r/
et /l/ soient confondus dans
une très large mesure en indo-iranien. Cependant, il ne suffit
pas de constater la présence de deux liquide
en i.-e. On sait que tous les phonèmes d'une langue n'apparaissent
pas en n'importe quelle position. Pour chaque phonème, certaines
positions sont admises, d'autres exclues. En gr. on ne peut terminer un
mot que par les consonnes /n/,
/r/ ou /s/,
avec la seule exception de la négation ου(κ)
[ouk]. Il y a ainsi dans chaque langue un registre de possibilités
et d'impossibilités qui caractèrisent l'emploi de son système
phonologique. Or, on constate dans beaucoup de langues qu'il n'y a pas
de /r/ à l'initiale.
En finno-ougrien, en basque, ailleurs encore, on ne peut commencer un
mot par /r/. Si un emprunt
comporte un /r/ initial, on
le fait précéder d'une voyelle qui met le /r/
en position intérieure. Telle est aussi la situation en i.-e. commun
: un /r/ n'est pas admis à
l'initial. En hittite, par exemple, il n'y a pas de /r/
initial, tandis que /l/ initial
se rencontre. De même en arménien [...]. C'est également
le cas en grec, où une “prothèse vocalique”
apparait devant /r/, de sorte
que l'initiale est /er/, /ar/,
/or/. Il faut y insister. Si
le grec, l'arménien, le hittite, n'ont pas de /r/
initial, c'est qu'ils perpétuent l'absence de /r/
initial en indo-européen. Ces langues conservent l'état
ancien. »
C'est le cas de l'euskera. Et le grec ὀ-ρέγ-ω
(o-rég-ō) semble, en effet, conserver clairement dans basque
AURREKO, la désinence de première personne /o/
s'ajoutant à la formation d'origine, soit double /o/
(ὀρέγω-orégō-)
qui signifie « étendre en ligne droite », E. BENVENISTE,
Institutions, 13 : « plus explicitement : “à
partir du point qu'on occupe, tirer vers l'avant une ligne droite”
ou bien “se porter en avant dans la direction d'une ligne droite”.
» Op. cité, p. 14, il cite Homère : «
ὀρωρέχαται
(orōrékhatai) décrit le mouvement des chevaux qui s'étirent
de toute leur longueur en bondissant. »
Le terme est à l'origine de lat. rectus
“droit à la manière de cette ligne qu'on trace”.
Lat. regula “instrument à
tracer la droite”, rappelée par le suffixe en /-la/,
l'un des suffixes d'adverbialisation du bsq. Cf. HORRELA,
BESTELA, NEHOLA, BEIHALA.
On pourra voir lors de l’analyse de dérivés
de bsq. /AUR-/, que ce radical pourrait constituer le point de
départ de l’ensemble de la famille dont les correspondants
i.-e. seraient gr. πρα, προ,
περ (pra, pro, per), lat. pra,
pro, per, skr. puro et
purr, hitt. piro.
Dans la langue moderne, la forme (H)AUR- se présente
sans consonne initiale, surtout dans les dialectes occidentaux qui pratiquent
la psilose,
dans la forme simple (AURREZ, AURRE-T-IK),
comme dans les formes composées et dérivées (AURREZ-TU,
AURREZKI-KUTXA, etc.). Mais l’existence d’une
consonne initiale est attestée dans les formes des dialectes du
Nord-Est : thème I HUR-BIL “proche” ; HUR-KO
“proche” ; HURRAN, HÜLLAN (S) “près”
; HOR “là” et “ici” ? angl. here,
there ; HURREN, forme superlative “proche immédiatement”
et le verbe HURREN-DU, ÜRHEN-TÜ (S) “terminer”
; gr. πειραίνω
(peiraínō) “achever” ; /BURU/ “tête,
terme” dans l’euskera moderne, mais doublet de /AUR-/
thématisé en /u/ et suffixé /-TU/
de verbalisation: BURU-TU “accomplir” (BURUZAGI
“chef”
gr. προσ-αγέιν
(pros-agéin) “emmener, conduire”, skr. puro-gavà̍
“chef”, agre-gaḥ
“qui va de l’avant” [bsq. AUR-GATEN], agra-paḥ
“qui boit le premier”, lette agrs
“qui arrive de bonne heure”, lat. agrippa,
surnom, “qui met le pied en avant”, cf. onomastique
Agrippa.
Voir BURU.
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