LIKO et LIKOKA, absent de Azk. et de Lh., “goulu”
et “goulûment, en bavant” de /HUL/ “eau” et
aphérèse.
Les correspondances possibles : cf. André MARTINET,
Des steppes aux océans, 128 et sq. :
a) |
pour MIHI/MĪHI/MII,
MINGAIN : « Pour illustrer le rôle décisif
des analogies de tous ordres, nous allons considérer le cas
du mot langue. Il se trouve dans presque toutes les
branches de la famille pour désigner l'organe et, très
fréquemment, l'instrument de communication. Le prototype que
l'on reconstruit a la forme /*dn̥ghweH2
/ dans laquelle des voyelles qui ont pu exister entre les consonnes,
seule figure la dernière qui, comme nous le verrons plus loin,
pourra à son tour disparaître. Il y a toute chance pour
qu'il s'agisse, au départ, d'un composé
[nous soulignons, cf. MIN-GAIN]. On ne connait en effet pas
de monème
unique avec cinq consonnes. Par évolution régulière,
on aboutit en latin à dingua,
à peine attesté à côté de de la
forme normale lingua. »
Cf. /d/l/
dans oleo,-ēre
“avoir une odeur, sentir” face à odor
“odeur, senteur, exhalaison”. Mais dans lingua,
le /l/ procède de l'analogie
de lingo, -ēre,
gr. λείχω
(leikō) [bsq. MI-LIKA-TU] “lécher”,
sans aucun doute. « Ce type d'analogie a reçu le nom
d'attraction paronymique
», op. cit. 128, qui peut opérer en l'absence de similitude
de sens : cf. braquet “sabre court”
briquet “allume-feu”. Mais entre lingua
et lingo, -ēre
les deux analogies formelle et sémantique
sont évidentes. Le /H2
/ final est identifié comme une laryngale
qui, en s'amuïssant,
provoquerait l'allongement en [a]
de la voyelle finale. La finale de la forme basque /-AIN/ peut
régulièrement se vocaliser (cf. ZIAN/ZIAA),
mais de plus, le morphème
/-GAIN/ “bout, dessus, extrémité”
résulte de la contraction de GARAIEN (
/GAR-/
gr. κάρᾱ
(kárā) = “tête” + /A/ article
défini + /I/ locatif + /EN/ (génitif
degré superlatif). /-GAIN/ aurait-il donné
régulièrement /g hweH2
/ du prototype /*dn̥g hweH2
/ des linguistes ? Et le bsq. /MIN-/MĪN-/ aurait
donné l'i.-e. /*dn̥-/
de lat. dingua ? L'alternance
nasale/dentale
n'est pas impossible puisque la dentale sonore alterne avec la latérale
/r/ (*NINTZAREN
NINTZADEN) et /r/ et /n/ sont des sonantes.
Mais ici la “nasale” est /m/ (sonante) dans la
langue moderne, suspect, et qui pourrait recouvrir autre chose : soit
/n/ ou /d/, /b/ (?) avec substitution d'occlusives
de divers ordres, cf. L. MICHELENA, Fonética histórica
vasca, 262 et sq. : « Se puede, pues sospechar que tenian
/*b-/ una seria de palabras como
/mi(h)i
/, /min̄/ “lengua”
(sul. /mĩ'hī /
/*bini /, con la inicial comun
a tantos nombres de partes del cuerpo. » Du lat. dingua
on passe au got. tuggō (tuη̣go),
angl. tongue, all. zunga,
lit. lievis (/l
/ et /ie/
lieiu “lécher”),
jusqu'au rus. iaʐyk/jaʐyk
“langue”, l'arm. leʐu
(liʐamen “je lèche”)
et tokh. B kāntwa, métathèse
de tànkwa attendu.
Et si le composé originel n'était autre
que MIN-GAIN ou *BIN-GAIN ? |
b) |
pour MILIKA-TU : /MIHI/MĪHI/MII/
“langue”, organe, + /LIKA/LIKI/,
/LIKIN/LEKA/ “bave, visqueux,
viscosité”. Cf. lat. lingo,
-ēre, gr. λείχω
(leikō) “lécher” de l'i.-e. /*leig'h-/...
|
c) |
pour GINGIL(A), DINDIL(A),
IINTIL(A) : 1º “luette” ; 2º
“lobe de l'oreille” ; 3º “glandules
de la gorge” des caprins et de certains ovins ; 4º
“crête de coq”.
La forme correspond à lat. lingula
et gr. γλωττις
(glōttis), dérivant de γλωχίς
ou γλωχīν
(glōkis ou glōkhīn), lui-même de γλω̑χες
(glōkhes) “barbes de l'épi” ; pour le suffixe,
cf. ἀκτίς,
δελφίς
(aktis, delphis), etc., “pointe”, et notamment extrémité
de la courroie du joug (Il., 24, 274, hapax),
“pointe d'une flèche” et, dans le grec tardif,
“pointe” en général. Chtr. 229 : «
L'étymologie de γλω̑χες
[glōkhes] n'est pas établie. » Nous pensons à
un composé intégrant /*GAL-/*GWL-/
“céréales” ? Cf. bsq. ISTO (de IS-TU
?) “pointe de flèche”, SISTA “pointe,
piqûre”. Bsq. GANGAIL, variante à vocalisme
/a/ de GINGIL, et synonyme. La forme indique la racine
des deux termes et de quelques autres : GANGA “voûte,
palais de la bouche”, GANDUR “crête”,
GANEAN “sur, au-dessus de”, soit /GAN/GAIN/
dont l'acception “aiguillon” nous renvoie à MIN-GAIN
“langue”. Or gr. γλῶσσα
(glō̆ssa) du nom-racine *γλώξ
(glṓx), rapporté par CHANTRAINE, 230, citant
MEILLET, signifie « “langue” depuis Hom.
jusqu'au grec moderne, la langue étant considérée
“pointue” ; cette métaphore
s'explique soit par un tabou linguistique (HAVERS, Sprach-tabu,
60), soit plus naturellement par besoin d'expressivité. »
Et l'on a l'homologie de métaphore de MIN-GAIN.
On pourrait s'aventurer à rapprocher l'hypothétique
γλώξ (glṓx)
ou sa base (?) du /GIL-/ (th.
I) de bsq. GIN-GIL/GANGAIL. de GALATZ “trigo
barbudo, blé barbu”, où l'on rejoint gr. γλω̑χες
(glōkhes) (th. II) et formellement bien proche de *γλώξ,
de GAILLUR “crête”, etc... Mais alors se
pose “l'embaras du choix” entre GAN/GAIN,
contraction de GARAIN/GARAIEN , dont la racine est bien
/GAR-/
gr. κάρᾱ
(karā) = “tête” (voir ce mot)
et, d'autre part, GAR-I “froment, céréale”,
cf. GARAGAR
gr. κρῑθή
(krīthḗ)/arm. gari,
génitif garwoy “orge”,
etc... Et si les deux familles étaient des développements
à partir de la même racine /GAR-/
gr. κάρᾱ/
“tête” et parfois “pics” (Chtr. 486)
? “Racine” qui, pour le bascophone, semble une
métaphore de /KAR-/KHARR-I/HARR-I/ “pierre”,
cf. fr. argot. “le caillou”. Par ailleurs, la même
idée de “tête”, “sommet”, “crête”
pour signifier “épi” est confirmée par bsq.
GARO “flor de maíz, panicule de maïs”,
béarn. capet “id.”
; bsq. GAL-BURU “épi”, littéralement
“tête de céréale” ; ARTO-BURU
“épi de maïs”, litt. “tête de
maïs” ; GARRABURU “cabezas de trigo intactas
en la operación de trillar, épis de blé qui
restent intactes pendant le battage” Azk. I, 331. |
Les chaînons de relation entre familles, perçues autonomes,
qu'offrent les formes de l'euskera, réduiraient, nous
semble-t-il, la multiplicité de racines posées jusqu'ici
par de prestigieux chercheurs qui ont exclu le basque de leur programme
de comparativité. |